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avec une calme liberté d’esprit, a répondu sur tout en homme de prévoyance et de gouvernement. M. Constans est de ceux qui ne prennent rien au tragique. Il s’est moqué un peu des manifestans, peut-être aussi un peu de ceux qui l’interpellaient. Il a galamment défendu la police et les gendarmes, revendiquant sans embarras la responsabilité de tout ce qu’il avait fait et de ce qu’il était prêt à faire encore pour assurer la paix publique à Paris comme dans les départemens envahis par les grèves. Il y a mieux : M. le ministre de l’intérieur a saisi cette occasion de la journée du 1er mai et d’une intervention au moins étrange de quelques anciens conseillers municipaux, pour rétablir à l’Hôtel de Ville M. le préfet de la Seine avec son administration, ses services, ses bureaux, en déclarant que le préfet avait seul le droit d’être en permanence au palais municipal. Et qu’est-il résulté de cette attitude plus décidée ? M. le ministre de l’intérieur n’a peut-être pas satisfait quelques radicaux, il en avait pris son parti, il le leur a même dit gaîment. Le gouvernement, d’un autre côté, a rallié bon nombre de conservateurs qui n’ont point hésité à souscrire au vote d’approbation et de confiance qu’une immense majorité lui a accordé. Tout cela s’est fait assez simplement, sans trop de bruit, sans récriminations entre les principaux partis. Avec un peu de bonne volonté ou d’optimisme, on pourrait y voir le commencement d’une situation nouvelle, tout au moins le signe de dispositions meilleures ; mais ce n’est peut-être aussi qu’un accident, un vote de circonstance, et ce ne serait, dans tous les cas, qu’un commencement.

Au fond, il est bien clair que la question reste provisoirement incertaine, qu’il y a toujours deux politiques en présence. Les radicaux, quoique visiblement atteints et assez inquiets pour un ascendant qu’ils sentent ébranlé, qu’ils se flattaient de reconquérir dans la chambre nouvelle, les radicaux n’ont certainement pas désarmé. Ils l’ont bien montré l’autre jour par une mauvaise humeur sensible, bien qu’à demi contenue, à l’égard de M. le ministre de l’intérieur osant déclarer tout haut sa résolution de faire respecter la loi par ceux qui passent leur vie à la bafouer, qui hier encore, dans un banquet, encourageaient le nouveau conseil municipal de Paris à la violer en usurpant le rôle d’un pouvoir politique. Ils ne peuvent arriver à s’avouer que les événemens qui se sont succédé depuis quelques années sont le plus éclatant témoignage qui puisse s’élever contre eux, et ils en sont encore à rêver une concentration qui n’a été que la longue subordination des modérés à la malfaisante influence du radicalisme désorganisateur. Un ancien ministre du règne radical qui n’a pu se faire réélire ni dans son département, ni à Paris, ni ailleurs, M. Goblet, laissait échapper tout récemment les plus sombres pronostics sur les destinées prochaines de la république, et il ne voyait de salut que dans le retour de la grande politique, celle des réformes radicales, des laïcisations à outrance, de