Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’être effacée dans un moment critique, d’avoir laissé aux Anglais la responsabilité et les avantages d’une intervention pacificatrice qui a décidé l’occupation temporaire de l’Egypte, c’est possible. Elle n’a pas moins sur les bords du Nil des traditions et des intérêts qui gardent leur force, qu’elle ne peut pas abandonner même devant l’Angleterre, qu’elle a le droit de défendre, d’autant mieux qu’on ne peut rien sans elle. La difficulté est de retrouver un terrain où les deux politiques puissent se rapprocher et s’accorder pour reprendre d’intelligence autant que possible, fût-ce en commençant par des arrangemens financiers, une œuvre profitable pour l’Egypte en même temps que rassurante pour les puissances intéressées à l’indépendance de la vice-royauté du Nil.

Ce n’est point, à la vérité, la première tentative qui est faite pour une réorganisation financière certainement utile aux intérêts égyptiens. Plus d’une fois, déjà, des négociations se sont engagées entre l’Angleterre, le gouvernement du khédive, son protégé, et la France, justement pour cette conversion de la dette à laquelle on revient : elles ont toujours échoué jusqu’ici ; elles ont fini, le plus souvent, par des récriminations. On n’a rien fait, peut-être parce qu’on a tout mêlé, parce qu’on a voulu trop faire à la fois. Ces négociations, jusqu’ici assez malheureuses, viennent de se rouvrir par l’envoi récent à Paris de deux plénipotentiaires, l’un égyptien, Tigrane-Pacha, l’autre anglais, M. Palmer, qui ont trouvé le meilleur accueil auprès de M. le ministre des affaires étrangères Ribot, et elles paraissent avoir quelques chances de succès. Ce n’est point dans tous les cas le ministre des affaires étrangères de France qui aura retardé la solution et créé des difficultés par un vain esprit d’obstruction, par des subterfuges évasifs.

L’art de M. Ribot est d’aller droit au fait, de simplifier et de dégager la question en la divisant, en séparant la partie politique, qui est en ce moment l’objet d’une négociation particulière entre Constantinople et Londres, de la partie financière soumise à l’examen de la France. Sans insister pour le moment sur des réserves qui auront l’occasion de se produire sous une autre forme, en s’en tenant uniquement à la question financière, M. Ribot a du premier coup accepté le principe de la conversion des dettes, de la proposition anglo-égyptienne. Ici même seulement il a eu la prévoyance de préciser les conditions dans lesquelles l’opération devrait se réaliser, les garanties qu’elle devrait assurer à tous les intérêts. De ces conditions, deux n’ont rien d’absolu et pourraient être modifiées : la fixation du taux de la conversion et le délai de quinze ans pendant lequel aucune conversion nouvelle ne pourrait se faire. Deux autres conditions ont une importance évidente. Au lieu de demander, comme elle l’a fait jusqu’ici, que l’économie de six ou sept millions qui pourra résulter de la conversion soit affectée à la réorganisation militaire de l’Egypte, la France demande que cette somme soit déposée à la caisse de la dette et que l’emploi en soit déterminé