on retour vers le passé. Bien des petits rentiers n’ont point un semblable aménagement et envieraient cette propreté, ce confortable, qui, pour eux, serait du luxe. A voir les serviettes roulées, déposées à la place même de chaque pensionnaire, un observateur pourrait faire des remarques intéressantes : ronds en perles, en ivoire, en buis, en métal ; ficelle, fragmens de laine à tapisserie, simple épingle ; de tout cela on pourrait tirer des inductions où la psychologie trouverait son bénéfice.
Une belle salle à manger, c’est bien ; de bons repas, c’est mieux. J’ai recueilli les menus, et l’on va pouvoir les apprécier. On se nourrissait mieux chez Lucullus, je n’en doute pas ; mais les pensionnaires doivent reconnaître, s’ils sont de bonne foi, que la veille de leur entrée à la maison de retraite, leur dîner ne ressemblait guère à celui qu’on leur offre aujourd’hui. Les mets ont de la variété ; variété administrative, il est vrai, par conséquent limitée, mais assez bien combinée cependant pour éviter le dégoût que produit la monotonie. A moins d’être atteint de boulimie, nul ne se lève de table ayant encore faim : que l’on en juge. Le matin, le premier déjeuner, qui se fait à huit heures, est composé d’une soupe grasse ou d’une tasse de café au lait ; à onze heures et demie, un plat de viande, un plat de légumes et du dessert ; à six heures, le dîner, qui comprend une soupe, de la viande, des légumes et du dessert ; le vendredi, on sert des repas gras et des repas maigres ; une fois par semaine à la viande on substitue de la triperie et de la charcuterie ; une fois par mois il y a de la volaille et du lapin ; du 15 avril au 15 septembre, la volaille est remplacée par du lapin qui, deux fois par mois, reparaît sur la table ; les desserts sont divisés de façon qu’un plat sucré alterne régulièrement avec du fromage ; le pain et le vin sont en quantité suffisante. On ne donne pas de café noir ; l’assistance publique, gardienne et gardienne jalouse du bien des pauvres, manquerait à ses devoirs si elle distribuait des superfluités à ses administrés ; elle ne peut donc leur accorder certaines « douceurs » qui satisfont plutôt la gourmandise que l’appétit ; mais elle les met à leur disposition moyennant une rétribution qui couvre précisément les frais d’achat et de fabrication. La « demi-tasse, » accompagnée de trois morceaux de sucre taillés à la mécanique[1], fournie par « la crédence » de la maison, est livrée en échange d’un « cachet » qui coûte 0 fr. 10 et que l’on achète à l’économat. J’ai bu de ce café et je l’ai trouvé irréprochable, un peu faible, mais sincère et pur de tout alliage suspect. On en fait,
- ↑ Le sac de sucre pesant net 500 grammes doit réglementairement contenir trente-trois morceaux.