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pratiquement la question du taux de l’escompte dans le sens de la fixité à peu près absolue, au niveau le plus bas que comporte la situation générale des affaires.


III

Une autre question peut aujourd’hui être considérée comme définitivement résolue et soustraite à la polémique, celle de la pluralité des banques. Partout en Europe la solution unitaire tend à prévaloir. En Angleterre, en Allemagne, en Italie, les établissemens qui, en dehors de la grande banque investie dans chacun de ces pays du rôle dévolu chez nous à la Banque de France, jouissent encore du privilège d’émettre des billets, restreignent chaque année un peu plus leur champ d’action, et il est aisé de prévoir le jour où les derniers de ces représentans de l’ancien principe de la liberté des banques d’émission auront renoncé à l’exercice de leur droit.

Hors d’Europe, il est vrai, d’autres tendances ont prévalu, mais les résultats ne sont pas encourageans. La république Argentine depuis quelques années, le Brésil depuis la révolution du 15 novembre 1889, donnent à cet égard à l’Europe des leçons de choses fort instructives. Dans le premier de ces états, où chaque province compte une banque d’émission, l’or fait 150 pour 100 de prime, ce qui signifie qu’il faut 250 piastres en papier-monnaie argentin pour représenter 100 piastres en or, en d’autres termes que le billet de banque vaut réellement 40 pour 100 de sa valeur nominale. Au Brésil où, avant la révolution, le papier-monnaie se tenait au pair, grâce aux efforts énergiques tentés pour en restreindre le montant, la dépréciation de la circulation fiduciaire atteint déjà 25 pour 100 depuis qu’un ministre des finances, improvisé par l’insurrection victorieuse, a cru pouvoir trouver dans la multiplicité de grandes banques d’émission le remède aux difficultés financières qui venaient de surgir. Mais nous conviendrons sans peine que ces exemples, si éclatans qu’il soient, sont peu probans. La dépréciation du papier-monnaie, formidable dans la république Argentine, déjà très sérieuse dans la république brésilienne, est due à beaucoup d’autres causes qu’à la simple application d’un système spécial de banques. On peut l’attribuer surtout à des excès de spéculation, à l’imprudente confiance de peuples jeunes dans un rapide épanouissement de leurs richesses naturelles.

Les États-Unis de l’Amérique du Nord nous offrent un spectacle tout différent. Il n’y a plus là ni détresse économique, ni papier-monnaie déprécié, ni cours forcé, ni fonds publics en grande baisse. Les bons A pour 100 sont à 125 pour 100 ; la dette