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publique est remboursée à raison de 500 millions de francs par an ; le trésor fédéral détient dans ses caisses plus de trois milliards de numéraire ; les greenbacks, papier-monnaie de l’État, et les billets des banques nationales, papier d’établissemens privés, circulent librement dans toute l’étendue de l’immense territoire, à travers les quarante-deux états de l’Union, avec leur pleine valeur en or, préférés même partout à la monnaie métallique, en laquelle ils sont naturellement échangeables à tout instant au gré du porteur. Nous retrouvons là tous les caractères du billet unique de notre Banque de France, et pourtant le système de la pluralité fleurit aux États-Unis, comme il ne l’a jamais fait ailleurs, puisque les banques nationales qui sont ou qui peuvent être toutes des établissemens d’émission sont au nombre d’environ trois mille.

Seulement il n’y a là qu’une apparence. Si les banques sont en grand nombre, le billet est unique. Voici comment fonctionne ce mécanisme singulier, qui a réussi aux États-Unis parce que les États-Unis sont une nation exceptionnellement prospère et riche, et non à cause de l’excellence du système. La loi de 1864, qui régit les banques nationales, a institué au département du trésor, à Washington, un bureau spécial chargé de la surveillance des banques, et que dirige un fonctionnaire appelé le contrôleur de la circulation. Toute banque qui veut user du droit d’émission doit, après avoir satisfait, au point de vue de sa constitution, à toutes les exigences dont quelques-unes très méticuleuses, édictées par la susdite loi, remettre au contrôleur des obligations fédérales représentant au minimum le tiers du capital versé. Elle reçoit en retour des billets de circulation (currenry notes) en quantité équivalente, mais non supérieure à 90 pour 100 du montant des obligations à leur valeur au pair. Ces billets sont fabriqués par le trésor, en coupures diverses depuis 1 dollar jusqu’à 500. Ils portent tous la mention de la garantie des obligations déposées, le sceau du trésor et la signature du trésorier. Ils sont en outre signés par le président et par le caissier de la société à laquelle ils sont remis. Mais qui s’inquiète aux États-Unis de ces deux dernières signatures dès que le billet présente celle du gouvernement fédéral ? Les currency notes, une fois livrées à la banque qui a ainsi acquis le droit de les émettre, peuvent désormais circuler partout en guise de numéraire. Elles n’ont pas absolument le cours légal au même titre que les greenbacks du gouvernement central, mais pratiquement elles jouissent d’un crédit aussi incontesté. En effet, en cas de liquidation volontaire d’une banque nationale, celle-ci doit verser au trésor, en monnaie légale (espèces ou greenbacks), le montant des billets qu’elle a émis, et elle retire les obligations déposées en garantie. A partir de ce moment, les billets sont remboursés par le