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aussitôt que ces bénéfices dépassent un taux fixé pour le dividende, et il sera impossible d’affirmer que jamais il ne cherchera à peser sur les décisions des régens. Alors qu’aujourd’hui le conseil général décide en pleine indépendance, en se fondant sur des raisons purement économiques, financières, commerciales ou monétaires, du taux de l’escompte et du total des sommes à affecter soit à l’escompte, soit aux avances, on chercherait d’autres motifs à ces décisions, si l’on savait l’État et la Banque liés par une communauté directe et matérielle d’intérêts. Le caractère d’institution privée que possède la Banque est pour l’État une des plus sûres garanties de l’étendue des services qu’elle peut un jour être appelée à lui rendre. Que l’on évite donc tout ce qui pourrait altérer ce caractère. La continuation des brillantes destinées de la Banque, de son action toute-puissante comme régulateur de la circulation monétaire en France, est à ce prix. Que si l’on veut absolument faire payer le renouvellement, la fixation d’une allocation annuelle permanente, à forfait, est une solution possible, relativement peu onéreuse pour les actionnaires, fructueuse pour l’État. Elle offre immédiatement à celui-ci les avantages du partage sans en imposer à la Banque les inconvéniens.

Encore conviendra-t-il de ne s’engager dans cette voie qu’avec modération. L’appétit vient souvent en mangeant, et il ne manquerait pas de personnes, même intelligentes, même de membres du parlement, pour supposer que cette espèce de tribut payé par la Banque aux pouvoirs publics serait la seule rançon des bénéfices récoltés si richement avec les fonds provenant du privilège. Cette erreur, trop commune, ne saurait être trop sérieusement réfutée. Elle est la source d’une quantité de jugemens passionnés qui s’interposent entre la bonne foi, ou le contraire souvent, des observateurs et la réalité des faits. Rien n’est plus facile, au surplus, que d’établir cette réalité. Il suffit de parcourir d’un regard attentif un des comptes-rendus annuels des opérations de la société. Déjà nous y avons découvert nombre de services rendus au public et pour lesquels la Banque perçoit une rémunération, variant depuis le taux de l’escompte de commerce jusqu’aux plus infimes commissions pour d’énormes maniemens de fonds. A côté de ces services rémunérés, il en est d’autres que l’administration de la Banque rend avec le même zèle, la même exactitude scrupuleuse, moderne et scientifique, et qui sont entièrement gratuits. On nous excusera d’en faire ici une énumération technique, le fait étant assurément moins connu et moins apprécié qu’il ne mérite de l’être.

Aux termes du traité du 10 juin 1857, la Banque s’était engagée à faire au Trésor, au fur et à mesure de ses besoins, des avances