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est déjà amusante ; mais l’analyse rétrospective des gens et des choses est plus nette encore, plus personnelle et plus vive dans son Armée française en marche sur Amsterdam durant la campagne de 1796. Cela montre une fois de plus que les études attentives, l’observation scrupuleuse, la culture d’esprit, servent à quelque chose. On aura la même pensée devant le tableau, beaucoup plus important par la dimension, sinon par le nombre des figures, qu’expose M. Détaille. Qui donc, plus que lui, l’élève favori et soumis de M. Meissonier, s’acharne à rechercher, même au prix de quelque sécheresse et de quelque froideur, l’exactitude des formes au repos ou en action ? C’est à cette passion du dessin qu’il a dû sa renommée première, c’est à cette passion qu’il devra le renouvellement de son talent. Avec la conscience modeste d’un artiste sincère, il s’est rendu compte, depuis quelques années, de ce qui lui manquait encore, en ampleur, en chaleur, en poésie. Il s’efforce visiblement de se compléter. Dans son Rêve de 1888, il avait rencontré la poésie ; dans son Officier de l’artillerie de la garde, il trouve le mouvement et l’ampleur. Lancé au galop sur un cheval noir, blanc d’écume, qui arrive de face et se cabre, cet officier, avec les soldats qui le suivent, montés sur le train d’artillerie, forme un groupe d’un effet puissant qui arrête à bon droit la foule par sa vérité. Un effort encore et peut-être M. Détaille trouvera-t-il au bout de sa brosse, plus libre, cette couleur chaleureuse qui compléterait son remarquable talent. Par la route qu’il suit, l’observation consciencieuse et virile de la réalité vivante, on arrive à tout : l’art, comme la gloire, appartient souvent aux obstinés. Autour de M. Détaille, nous trouvons toujours quelques peintres d’anecdotes militaires, MM. Armand Dumaresq, Boutigny, Grolleron, Lionel Royer, Marius Roy, Sergent, Neymark, dont quelques-uns ont de la vivacité dans l’exécution, presque tous de l’esprit et de l’habileté dans la mise en scène et dans l’observation.

La peinture religieuse ne nous offre pas d’œuvres bien remarquables. Les plus importantes, comme dimension, dans ce genre, le Christ accueillant les ouvriers de la Miséricorde, par M. Lehoux, le Miracle des roses, Sainte Elisabeth, de M. Paul-Hippolyte Flandrin, les Derniers momens de saint Claude, par M. Joseph Aubert, sont d’estimables travaux, exécutés avec conscience par des peintres au courant de la tradition classique, mais qui ne la modifient et ne la rajeunissent en rien ; on peut noter, cependant, quelques bons morceaux de peinture dans le tableau de M. Aubert, notamment le saint Claude et le religieux qui le soutient. Les Saintes Femmes au tombeau, de M. Rouguereau, qui attirent le public par les agrémens connus du talent facile et souple de l’auteur, sont