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toujours appliquée à suivre, souvent à contenir, l’action impatiente du ministre dont il connaissait la témérité.

Aussi l’une et l’autre guerre, celle de 1866 comme celle de 1870, également voulues, également préparées de longue main par les états-majors et la diplomatie, n’ont-elles éclaté qu’à l’heure fixée par le roi. Dès les premiers mois de 1866, les généraux lui représentaient que l’armée prussienne avait atteint tout son développement ; que toutes les mesures étaient prises pour une prompte mobilisation tandis que l’armée autrichienne était encore en formation ; et qu’une résolution rapide garantirait la victoire. De son côté, M. de Bismarck secondait, de tous ses efforts, les sollicitations du général de Moltke ; il pressait le roi de l’autoriser à précipiter la rupture. Le roi ne se laissa pas toucher ni vaincre par ces instances concertées. Il se montra aussi ferme dans sa résistance, dans sa détermination d’attendre le moment opportun, qu’il l’avait été quand les amis de la paix le conjuraient de renoncer à une politique qu’ils jugeaient funeste pour sa maison et pour son pays. Il voulait que la guerre parût imposée par les circonstances et nullement par son initiative. Était-ce pusillanimité ou sagesse, était-ce un calcul timoré ou une inspiration heureuse ? L’événement lui a donné raison contre tous ses conseillers. En effet, les fautes de l’Autriche, sa détermination notamment de décliner le congrès dont les puissances avaient proposé la réunion et à laquelle le cabinet de Berlin, sur l’ordre du roi, s’était empressé d’adhérer, créèrent une situation nouvelle. « En présence de la réponse de l’Autriche, télégraphiait, de Paris, M. Nigra au général La Marmora, le prince Gortchakov et lord Clarendon ont déclaré le congrès impossible. M. Drouyn de Lhuys vient d’en faire autant… Il rend justice à l’esprit de conciliation et d’empressement des autres puissances (la Prusse et l’Italie)… » C’était bien ce que le roi attendait, le moment psychologique, l’occasion tant désirée. La guerre devenait inévitable par le fait du cabinet de Vienne, et il était permis de rejeter sur lui une bonne part des torts que celui de Berlin avait, à l’origine, exclusivement assumés. Aussi, en partant pour aller prendre le commandement de ses armées, Guillaume Ier disait-il au ministre d’Italie : « Longtemps l’on m’a accusé de vouloir la guerre dans des vues ambitieuses, mais maintenant, après le refus de l’Autriche d’aller au congrès, son indigne violation du traité de Gastein,.. le monde entier sait quel est l’agresseur[1]. » L’empereur François-Joseph, si outrageusement provoqué, avec une

  1. De retour à Berlin, le roi crut pouvoir, en ouvrant la session législative, remercier hautement la Providence, sans blesser la vérité, « de la grâce qui avait aidé la Prusse à détourner de ses frontières une invasion ennemie… »