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pacifiquement l’une et l’autre. — Il ne pouvait convenir ni au roi, ni à M. de Bismarck, qui poursuivaient d’autres solutions, de nous aider à réconcilier le gouvernement italien avec la papauté et de contribuer à mettre fin dans la Péninsule à un état de choses qui entravait notre liberté d’action. Il ne leur convenait pas davantage de s’associer à la France dans les débats qui se renouvelaient sans cesse sur le Bosphore. Ils avaient, sinon pris des engagemens, du moins autorisé des espérances à Pétersbourg, et ils employaient un soin particulier à ménager la Russie, pour l’opposer à l’Autriche, au prix qu’il faudrait y mettre, quand le moment serait venu de combattre sur le Rhin. Guidé par cette double préoccupation, le cabinet de Berlin déclina toutes les communications de celui de Paris ; il se montra courtois, mais résolu à ne pas nouer avec la France des relations amicales et intimes ; usant, au contraire, de toute son influence auprès des autres puissances pour les détourner de toute entente conforme au désir du gouvernement impérial ; agissant tantôt auprès de la cour pontificale, tantôt auprès du cabinet de Florence pour empêcher un rapprochement, entretenant enfin des rapports avec Garibaldi lui-même pour provoquer, au moment opportun, des manifestations ou encourager des tentatives destinées à diviser plus profondément l’Italie et la France[1]. En janvier 1870, le gouvernement français tenta un dernier et suprême effort. Voulant donner une preuve éclatante de ses dispositions pacifiques, il posa la question du désarmement. Pour ne pas s’exposer à un refus direct, qui aurait pu devenir blessant, il sollicita le concours de l’Angleterre. Sur ses instances, le cabinet de Londres consentit à se constituer l’intermédiaire de la France auprès de la Prusse ; le principal secrétaire d’Etat, lord Clarendon, chargea l’ambassadeur anglais à Berlin de pressentir M. de Bismarck. Cette démarche resta infructueuse. Le chancelier, après avoir pris les ordres du roi, déclara que la Prusse, ne pouvant acquiescer à une pareille proposition, trouvait inutile d’en débattre le principe et les développemens.

Ces divers incidens créaient au cabinet de Berlin une situation délicate. Ils mettaient en évidence et en opposition les vues respectives de la France et de la Prusse. Il devenait donc chaque jour plus urgent, pour le roi et pour M. de Bismarck, de prendre une détermination. On savait d’ailleurs que l’armement de la France se développait ; elle avait fabriqué son nouveau fusil, renouvelé son

  1. Voir Ma Mission en Prusse, par le comte Benedetti, p. 245. Voir également la Correspondance de Mazzini avec M. de Bismarck en 1868 et 1869, publiée depuis la mort de l’agitateur italien, proposant de renverser Victor-Emmanuel s’il s’alliait à l’empereur Napoléon III.