artillerie, augmenté ses effectifs ; on la croyait mieux outillée et plus redoutable qu’elle ne l’était malheureusement en réalité. On se persuadait qu’elle le serait plus encore avant peu ; et l’on voyait un péril croissant dans un ajournement plus prolongé du conflit auquel on se préparait de part et d’autre. En Allemagne, on avait atteint la dernière limite de la préparation : on était en mesure d’affronter la lutte, on ne pouvait espérer de l’être davantage à un autre moment. Dans ses rapports quotidiens, l’état-major, appuyé par M. de Bismarck, signalait au roi cet état de choses ; le roi permit, en 1870, ce qu’il avait interdit l’année précédente : il autorisa le prince de Hohenzollern à accepter la couronne d’Espagne. Ne tenant aucun compte des convenances diplomatiques, ni des saines traditions en usage entre les puissances, on s’abstint d’en faire part au gouvernement impérial, bien qu’il se fût officiellement enquis, auprès de M. de Bismarck, des véritables intentions du roi quand ce projet fut étudié à Berlin pour la première fois, et qu’il eût témoigné ainsi des légitimes préoccupations qu’il lui inspirait. Tout fut calculé pour que la surprise fût aiguë et pénétrante, pour qu’elle fût profondément sentie. On espérait que, sous l’insulte et la menace, la France bondirait et que la guerre éclaterait sans avoir été déclarée. Cette prévision fut déçue. L’émotion fut vive et générale ; le gouvernement impérial s’en fit l’interprète dans un langage digne et ferme, mais nullement offensant : il se borna à annoncer qu’il provoquerait des explications. Il donna l’ordre, en effet, à notre chargé d’affaires de les demander. On eut recours, à Berlin, aux moyens qui ont toujours été en usage à la cour de Prusse : notre représentant intérimaire ne rencontra qu’un sous-secrétaire d’État ; M. de Bismarck se reposait sous les ombrages de Varzin, attendant les événemens ; le roi était parti pour Ems. Le sous-secrétaire d’État affirma que « le gouvernement prussien ignorait absolument cette affaire, qu’elle n’existait pas pour lui[1]. Le souverain pouvait y avoir participé comme chef de la famille des Hohenzollern, mais il n’y était aucunement intervenu en sa qualité de roi de Prusse. »
Se conformant à leurs instructions, les représentans du cabinet de Berlin au dehors tenaient le même langage. « Le gouvernement de l’Allemagne du Nord, disait l’ambassadeur prussien à lord Granville, n’a pas l’intention de se mêler de cette affaire ; les Français
- ↑ L’année précédente, l’ambassadeur de France, en l’absence de M. de Bismarck et avant de s’en expliquer avec lui, s’était entretenu de la candidature du prince Léopold avec ce même fonctionnaire, lequel lui donna l’assurance, en engageant sa parole d’honneur, qu’il n’était parvenu, à sa connaissance, aucune indication à ce sujet. On a vu que le chancelier fut bien moins discret quelques jours plus tard.