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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/884

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accueillaient à la représentation chacun de ces noms inattendus de contemporains, peut-être de spectateurs. — D’ailleurs, ce n’est pas le seul talent du physicien de diagnostiquer l’avarice : une malade, Dame-Douce, se présente à lui : par une œuvre de nécromancie, il découvre son mal, qui lui vient de l’un des personnages en scène, Riquece Auri : d’où des plaisanteries grossières. Le physicien énumère aussitôt toutes les femmes qui, comme Dame-Douce, ont cent diables au corps, Margot aux Pumetes, Aelis au Dragon, la femme d’Henri des Argans, qui « gratte et se hérisse comme un chat. » Nous entendons les racontars scandaleux du jour, comment, par exemple, la femme de Mahieu l’Anstier « s’aide des ongles et des griffes contre le bailli de Vermandois ; » ce qui provoque de la part d’un des interlocuteurs cette réplique d’une philosophie protonde :


Mais je tieng le mari a sage
Qui se tait…


Les scènes se succèdent ainsi, sans ordre, sans action, conservant au jeu les libres allures de la kermesse. Voici un moine de l’abbaye d’Haspre, près de Valenciennes, qui passe ; il est chargé des reliques de saint Acaire, qui guérit de l’avertin, et il fait de la réclame pour son saint. C’est une nouvelle occasion d’introduire encore des allusions satiriques et d’énumérer, après les avares comme Maître Henri et les femmes endêvées comme Dame-Douce, les fous d’Arras, Colart de Bailleul, Heuvin, d’autres encore. Voici un vrai sot qui traverse la scène en gambadant, et qui vient, conduit par son père, baiser les reliques du moine ; cela avec force paroles de fou, infiniment sages, et des allusions irrévérencieuses à une récente bulle papale contre les clercs bigames. Ces reliques promenées, ce moine grotesque sous les quolibets et qui mendie pieusement, voilà l’un des mille témoignages de l’esprit à la fois anticlérical et dévot de ces bourgeois : ils se moquent de ces reliques, mais ils les baisent.

Soudain, dans ce tohu-bohu de la foire, voici venir les fées. Elles seraient là depuis longtemps si quelque chose ne les écartait : ce moine, ces reliques, ces objets consacrés les gênent, elles, les déesses païennes. Que le moine s’en aille, qu’il mette tout au moins ses reliques dans un coin. Voilà qui est fait. Alors, derrière la scène de feuillage, retentissent des sons de clochettes, une musique mystérieuse. Quelque chose de la vague terreur orgiaque des mystères s’épand sur la scène : l’un des assistans a peur. Et tout à coup, parmi ces bourgeois prosaïques, bondit et sautille en chantant une sorte de lutin. Ce gai personnage, Croquesot, c’est