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et des exemples. Deux longues galeries, très vivement, trop vivement éclairées, ont reçu les toiles de grande dimension ou les groupemens de toiles des membres les plus importans ou les plus féconds de la nouvelle société. Les petits tableaux, les pastels, les aquarelles, les dessins sont disposés avec goût dans une série de petites salles où l’on peut les examiner sous un jour plus recueilli. Partout, en outre, les œuvres du même artiste sont rangées les unes auprès des autres, de façon à se faire valoir mutuellement, et convenablement espacées entre elles, de manière que l’œil s’y puisse tranquillement fixer. Tout serait donc à merveille, si l’on ne sentait presque partout la précipitation qu’on a mise à bâcler, tout en recueillant à la hâte des ouvrages de dates diverses, le plus grand nombre de toiles possible, pour faire grande figure, sinon bonne figure, sur ce nouveau théâtre. Dans aucune exposition, nous le croyons, on n’a vu pareil déballage de peintures inachevées, d’ébauches et de préparations ; c’est le triomphe de l’art improvisé, triomphe douteux et mélangé, dont la répétition fréquente pourrait coûter cher à la bonne renommée et à la bonne santé de l’art français.


I

Les trois décorateurs dont les ouvrages occupent une place d’honneur au Champ de Mars, MM. Galland, Puvis de Chavannes, Besnard, sont, en effet, les artistes qui semblent, depuis la mort de Paul Baudry, pouvoir prétendre aux premiers rangs dans cet ordre de productions. Tous trois ne se présentent pas dans des conditions égales ; M. Galland expose un ensemble considérable de peintures, de modèles, de dessins et de maquettes ; M. Puvis de Chavannes s’y montre avec une seule composition, mais d’une grande importance ; M. Besnard n’y apparaît qu’avec une ébauche de plafond. Tous trois, néanmoins, en montrent assez pour qu’il soit possible de connaître leurs qualités, d’analyser leurs tendances, déjuger leur système au point de vue de l’avenir, dans un moment où notre école de peinture traverse une crise plus grave que beaucoup ne s’imaginent.

Celui qui attire d’abord les yeux, c’est M. Besnard par son plafond destiné à l’Hôtel de Ville. Qu’on le regarde en haut, dans son cadre architectural, qu’on le regarde en bas, dans les glaces qui le reflètent, on a quelque peine à comprendre. La moitié de la toile est bleue ; dans ce bleu, on aperçoit des globes, des planètes, des étoiles, c’est tout le système du monde ; l’autre moitié est jaune ; dans ce jaune on entrevoit, avec quelque peine, sur le premier plan,