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saillies, on apprécierait beaucoup mieux, dans l’Ave Maria, la finesse et la délicatesse avec laquelle est peinte la petite communiante assise devant l’orgue, charmante apparition qu’anéantit ce brutal encombrement du mobilier environnant. Il est d’autant plus fâcheux de voir M. Liebermann et M. Kuehl s’appesantir ainsi et s’alourdir dans leurs procédés, qu’ils dessinent avec une remarquable netteté, qu’ils sont de ceux, parmi les étrangers, qui savent déterminer leurs figurines avec le plus de franchise et d’exactitude.

Chez beaucoup d’autres, notamment chez les Suédois et les Norvégiens, la main est souvent moins sûre, en sorte que, malgré un sentiment très fin, en général, et parfois très profond de la poésie intime, leurs œuvres nous étonnent par leurs hésitations et leurs inégalités. On constate des incertitudes de ce genre chez M. Osterlind, qui étudie les enfans avec une charmante naïveté et qui les met en scène avec une préoccupation marquée des éclairages nouveaux, exceptionnels et bizarres. Mais pour que ces éclairages singuliers nous charment, faut-il encore qu’ils soient vraisemblables. N’est-il pas difficile de croire, par exemple, que, dans les Ombres chinoises, la lueur d’une chandelle, en plein jour, suffise à éclairer si vivement et si uniquement le linge blanc sur lequel une fillette projette, avec ses doigts entrelacés, une silhouette de lapin, tandis que tout l’entourage de la chambre ne participe en rien à cette illumination ? Il semble qu’il y ait deux morceaux dans la toile, l’un peint devant l’effet voulu, l’autre peint sous le jour ordinaire de l’atelier. Les physionomies des fillettes sont, d’ailleurs, vives et malicieuses, mais il reste encore bien à faire à M. Osterlind pour être maître de ses moyens d’expression. M. Edelfelt, plus sûr de lui, se contente de demander à la lumière naturelle du matin ou du soir les finesses qu’elle nous prodigue. Il laisse trop sans doute ses études familières à l’état d’esquisses, mais ces études sont charmantes. Nous signalerons surtout dans Village finlandais le bonhomme en blouse blanche qui revient de son travail et le gamin qui lui ouvre la barrière.

Nous n’attachons pas plus d’importance qu’il ne sied à ces problèmes d’éclairages, ombres et reflets, qui ne se posent pas pour la première fois dans la peinture, mais auxquels le public paraît apporter une certaine attention. Il en a été ainsi chaque fois qu’on a attiré ses yeux par des recherches de ce genre. Effets de gaz, effets de bougies, effets de lampes, tout cela n’est, en vérité, guère plus intéressant que les effets de lanternes, de torches, de chandelles qui ont fait la popularité, au XVIIe siècle, du trop fameux Honthorst, Gherardo delle Notti, et plus tard celle de Schalcken. Vers 1850, si l’on veut bien s’en souvenir, c’était autour des scènes