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populaires de Van Schendel, un Hollandais au nom prédestiné, scènes toujours illminées par quelque falot extraordinaire, que se pressait aussi la foule dans nos expositions. Que sont devenues les gloires de Honthorst, de Schalcken et de Van Schendel ? Une singularité de cette sorte peut arrêter brutalement et vivement les regards sur une toile ; elle ne saurait les y retenir longtemps si l’on n’y trouve en même temps des figures bien caractérisées, des physionomies expressives, un sujet intéressant, un travail sérieux qui justifient et qui excusent cet appel insolite par des moyens artificiels.

M. Besnard s’adonne de plus en plus à l’analyse de ces phénomènes étranges et exceptionnels de la lumière. Comme il est fort habile, très savant analyseur des nuances et des demi-nuances, il trouve souvent dans ses esquisses sur nature, faites dans ces conditions extraordinaires, des subtilités de colorations fines et exactes qui peuvent amuser un instant nos yeux, comme des témérités neuves et piquantes, mais qui, en vérité, ne sont pas suffisantes pour constituer un tableau. La plus simple et la meilleure de ses toiles, une Famille, ne perdrait rien à ce que les visages y fussent modelés et peints avec plus de solidité et de vérité. Cela n’en donnerait que plus de prix à toutes ces petites têtes, si vivantes et si naturelles, groupées près d’une fenêtre ouverte sur un paysage. Malheureusement, il est bien évident que M. Besnard ne tient pas au naturel, au moins en ce qui concerne la lumière ; c’est l’artificiel qui le ravit, l’artificiel possible et l’artificiel impossible. Lorsqu’on prend l’habitude de tirer sans cesse des feux d’artifice et de ne s’éclairer qu’aux feux de Bengale, on ne peut plus supporter la simple lumière ; le ciel ressemble à du papier peint, le soleil devient pâle et bourgeois. On sait à quelles extravagances de pinceau cette passion raffinée pour les complications lumineuses a poussé le grand paysagiste anglais Turner. Si nous ne regardions que la Vision de Femme, une vision agitée et maladive dans laquelle se tortille, devant des touffes indécises de grandes fleurs bariolées, au milieu de reflets rougeâtres et verdâtres, comme dans un enfer ou une apothéose d’opéra, une forme fantastique de nudité jaunâtre, nous regarderions M. Besnard comme un peintre fort compromis. Heureusement, dans la section des pastels, le très intéressant Portrait de Mme Lemaire, nettement et vivement exécuté, avec des bonheurs de colorations vraiment délicates et rares, nous rassure à temps sur son compte. Voilà un morceau bien moderne, dans le bon sens du mot, savant et libre, personnel, avec des qualités traditionnelles, les qualités de fond nécessaires en tous les temps. Il y a bien encore, çà et là, certains petits reflets jaunes