Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’orient, parfois de l’occident, du midi et du nord, se rencontraient dans les camps du Basileus. Non-seulement ses provinces italiennes, slaves, albanaises, roumaines, turques, arméniennes, arabes, lui fournissaient des recrues; mais, comme une bonne partie des troupes se composaient ou de mercenaires ou d’auxiliaires étrangers, elles présentaient une infinie variété au point de vue ethnographique. Sous les étendards de Justinien ont combattu des Slaves, des Goths, des Vandales, des Longobards, des Perses, des Maures. Dans l’armée que l’anti-césar Thomas réunit contre Michel II, nous voyons en outre des Indiens, des Égyptiens, des gens du Tigre et de l’Euphrate, des Alains, des Ibères et les contingens de toutes les tribus du Caucase. Au Xe siècle, apparaissent des élémens tout septentrionaux, Russes, Bulgares, Hongrois, Khazars; et, en même temps, des élémens tout occidentaux, car les auxiliaires vénitiens et amalfitains font prévoir les mercenaires français, allemands, espagnols de la période suivante. Les chefs de cette armée ne sont pas nécessairement des Grecs, pas même des natifs de l’empire ; car l’eunuque Narsès était un esclave d’origine perse ; parmi les autres généraux de Justinien, Pharas, qui vainquit en Afrique le roi des Vandales Gélimer, était un Hérule ; Mundus, un Gépide; Chilbud, vainqueur des Slaves, un Slave; Péran, un roi d’Ibérie; Philemuth et Akoum, des Huns. Il en fut de même sous les successeurs de Justinien. Il y a plus : les empereurs eux-mêmes, très souvent, ne furent pas de race grecque ; la dynastie qui commence par Justin et Justinien n’est sûrement point hellénique, car, avant de porter ce nom romain, le grand législateur s’appelait Upravda, son père et sa mère Istok et Beglenitsa : trois noms slaves. Il y eut plusieurs dynasties arméniennes : d’abord celle qui porte effectivement ce nom dans l’histoire, et qui commence à Léon V; ensuite, celle qui porte le nom de macédonienne et qui commence avec Basile Ier un autre grand législateur. Romain Lécapène, Nicéphore Phocas, Jean Zimiscès, sont des empereurs arméniens. Léon V, dit le Khazar, appartenait par sa mère à cette peuplade turco-finnoise des bords du Don.

L’Empire était une institution cosmopolite, comme furent le saint-siège et le sacré-collège pendant toute la durée du moyen âge. C’était non la nationalité, mais la foi qui faisait le « Romain » de Byzance. De quelque race qu’on fût issu, il suffisait d’entrer dans le giron de l’Église pour entrer dans celui de l’État. Le baptême orthodoxe conférait le droit de cité. La Byzance chrétienne présentait, parmi tant d’autres, ce point de ressemblance avec la Byzance musulmane. On devenait « Romain » en embrassant le christianisme comme plus tard on devint Turc en professant l’Islam. Combien