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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/154

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qu’une assemblée de fonctionnaires et le peuple n’était qu’une tourbe. La seconde, c’était la naissance, et c’est ainsi qu’il y eut à Byzance des espèces de dynasties. La troisième, c’était l’adoption, qui avait été pratiquée par les empereurs Nerva, Trajan, etc., l’adoption emportant, du vivant même de l’adoptant, une sorte d’association de l’adopté au pouvoir. La quatrième, c’était l’association sans l’adoption, système que Dioclétien avait inauguré à Rome, et dont Byzance offre nombre d’exemples.

Mais ni l’élection, ni la naissance, ni l’adoption, ni l’association ne constituaient un système solidement établi, universellement reconnu.

Dans toute l’histoire byzantine, le droit est très peu de chose, le fait est tout. Or le fait, c’est souvent l’usurpation pure et simple, par le complot de palais et de harem, par l’insurrection de la plèbe, par la révolte militaire. On a calculé que sur cent neuf empereurs byzantins qui régnèrent, seuls ou en association, d’Arcadius à Constantin Dragazès, trente-quatre seulement moururent dans leur lit impérial et huit à la guerre ou par quelque accident. En revanche, on en compte douze qui de gré ou de force abdiquèrent, douze qui finissent au couvent ou en prison, trois qu’on fit périr de faim, dix-huit qui furent mutilés ou qui eurent les yeux crevés, vingt qui furent empoisonnés, étouffés, étranglés, poignardés, précipités d’une colonne. Cela représente, en 1058 ans, soixante-cinq révolutions de palais, de rue ou de caserne, aboutissant à soixante-cinq détrônemens. C’est par une de ces soixante-cinq révolutions que se termine le livre de M. Schlumberger.

Cette instabilité du pouvoir tenait surtout à ce qu’à Byzance il n’y avait pas de sang royal, et qu’aucune maison, — à part une seule dont nous allons parler, — ne put durer assez longtemps pour que son origine eût le temps de se faire oublier. Or cette origine était presque toujours une usurpation : comment y trouver le principe d’une légitimité qui eût frappé d’illégalité toute tentative de révolution nouvelle? Le droit d’un empereur étant presque toujours incertain, tout le monde pouvait arriver à l’empire. Tout le monde était assez noble pour y prétendre. Qui donc se serait trouvé de trop modeste extraction pour ne pas aspirer à la pourpre? Léon Ier avait d’abord été boucher ; Justin Ier était venu à Constantinople, pieds nus, la besace sur le dos, de son village de l’illyrienne; Phocas était un simple centurion quand il prit la place de Maurice ; Léon III avait d’abord été artisan et gagne-petit ; Léon V était né de parens arméniens chassés de leur pays pour leurs méfaits; Michel II et Basile Ier avaient été palefreniers chez le patricien Bardanios. Dès lors n’importe quel aventurier, n’importe quel soldat