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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Lorsqu’il y a un an, à pareil jour, à pareille heure, le rideau mystérieux derrière lequel se dérobe le passé s’abaissait sur la scène publique, on peut dire qu’il tombait sur une belle et rare représentation. C’était la dernière heure d’une année unique qui venait d’avoir, avec ses spectacles de tout genre, ses agitations, ses incidens et ses péripéties.

Le centenaire, s’il n’y avait eu que le centenaire, eût été peut-être une fête un peu abstraite, un peu froide, avec ses processions au Jeu de paume, ses cérémonies de circonstance et ses harangues banales. Il serait resté la fête officielle des évocations et des souvenirs d’un siècle de révolutions qui est encore livré à toutes les contestations, dont on ne sait pas le dernier mot ; mais le centenaire disparaissait dans la prodigieuse magie d’une Exposition qui avait, six mois durant, fixé la curiosité du monde et attiré des millions d’hommes autour du plus merveilleux assemblage de toutes les œuvres de l’industrie et des arts. Le centenaire était complété et illustré ou transfiguré par cette Exposition, qui résumait ce qu’il y a eu de plus fécond dans la révolution française, le progrès de la race humaine par le génie du travail émancipé. Et comme si ce n’était pas assez, au milieu de tous ces spectacles d’un intérêt universel, on venait d’avoir les élections et la tragi-comédie qui les avait préparées, et le procès d’un héros d’aventure et les luttes passionnées d’opinions où la France, qui aurait pu d’un seul coup perdre la liberté, la dignité et la paix, restait heureusement maîtresse d’elle-même par le scrutin. Que fallait-il de plus pour une grande représentation de la vie contemporaine? Aujourd’hui une année de plus s’est écoulée, élargissant l’intervalle entre ce passé déjà lointain et le présent. Le centenaire est oublié, — il ne reviendra plus que dans un siècle! L’Exposition a laissé un souvenir éblouissant, et, à part