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en l’air, soit d’un vase, soit de la main. Trois fois le fidèle, plongé jusqu’à la ceinture, la fait jaillir vers le soleil. Plus elle s’éparpille au loin, et plus grandes sont les grâces attribuées à cet acte. Cependant le brahme, assis sur ses talons, accomplit le plus sacré des exercices religieux : il médite sur ses doigts. Car les doigts sont saints, habités par diverses manifestations de Vichnou : le pouce par Govinda, l’index par Mahidhara, le troisième doigt par Hrikesa, le quatrième par Trivikama, le cinquième par Vichnou lui-même, tandis que la paume est le séjour de Madhava. « Hommage aux deux pouces, dit le brahme, aux deux index, aux deux doigts du milieu, aux deux doigts sans nom (les annulaires), aux deux petits doigts, aux deux paumes, aux deux dos de la main. » En même temps il touche sa poitrine, ses yeux, son nombril, sa gorge, sa tête, et finalement la partie sacrée entre toutes, l’oreille droite, où résident à la fois le feu, l’eau, le soleil et la lune. Il prend alors un sac rouge (go-mikhi) y enfonce sa main, et, par des contorsions des doigts qu’il contourne et entre-croise, figure rapidement les principales incarnations de Vichnou : un poisson, une tortue, un sanglier, un lion, une charrette, un nœud coulant, une guirlande. Il y a cent huit de ces figures, dont pas une ne doit être omise, et les mérites attribués à ces gestes sont infinis.

La seconde partie du service est aussi riche que la première en ablutions et en mantras. Le brahme invoque le soleil, « Mitra, qui regarde les créatures d’un œil immuable » et les Aurores « brillantes, filles du ciel, » premières divinités de nos races aryennes ; il glorifie le monde de Brahma, celui de Siva, celui de Vichnou, récite des morceaux du Mahabharata, des Puranas, tout le premier hymne du Rig-Véda, les premiers vers du second, les premiers mots des principaux Védas, du Yajur, du Sama, de l’Atharva, puis des morceaux de grammaire, des prosodies inspirées, enfin les premiers mots du livre des lois de Yajna Valkya, des sutras philosophiques, et termine enfin la cérémonie par trois espèces d’ablutions qu’on appelle rafraîchissement des dieux, des sages et des ancêtres. Plaçant d’abord son fil sacré sur l’épaule gauche, le brahme puise de l’eau dans la main droite et la laisse couler sur les doigts étendus. Pour rafraîchir les sages, le fil doit pendre sur le cou comme un collier et l’eau couler sur le côté de la paume, entre la racine du pouce et l’index replié en dedans. Pour les ancêtres, le fil passe sur l’épaule droite, et l’eau coule de la même façon que pour les sages : « Que les pères soient rafraîchis, dit la prière, que cette eau serve à tous ceux qui habitent les sept mondes jusqu’à la demeure de Brahma, quand même leur nombre serait plus grand que des milliers de millions de familles. Que cette eau consacrée