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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/351

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jamais de remercier du renseignement. Si vous le poussez un peu ce gardien, il vous dira que la pire des curiosités est celle d’outre-Manche : elle a un iront d’airain, rien ne la rebute. Mais le voici qui nous a vus ; il sait que nos papiers sont en règle et s’empresse de nous ouvrir la porte du greffe.

Nous entrons dans une pièce assez exiguë, séparée en deux par une barrière à hauteur d’appui ; c’est accoudés sur cette barrière que des malheureux viennent chaque jour dévider un long chapelet de misères. Un des leurs a disparu; après mille démarches, il ne leur reste plus que la ressource de s’adresser à la Morgue. Le commis-greffier est là devant son bureau et inscrit, au fur et à mesure, tous les renseignemens qui peuvent faciliter les recherches. Au fond de la pièce s’ouvre une petite porte qui nous fait passer dans le cabinet du greffier; nous y trouvons un aimable homme qui ne demande qu’à causer, quand il est bien sûr de son interlocuteur. Bientôt les cartons verts, empilés jusqu’au plafond, vont s’ouvrir et verser sur la table une avalanche de papiers, de tableaux et d’imprimés. Tâchons de nous reconnaître dans ce déluge de statistiques et de registres ; c’est la seule manière de nous faire une idée un peu nette du service très compliqué que nous venons étudier.

« La Morgue, dit le premier article du règlement de 1882, est un établissement destiné spécialement à recevoir les corps des personnes décédées dans le ressort de la Préfecture de police, soit lorsqu’il doit y avoir lieu à une expertise médico-légale ou à une confrontation, soit lorsque l’identité du cadavre n’a pas été constatée. À ces services sont joints, depuis 1880, des conférences de médecine légale et un laboratoire d’enseignement médico-légal installé dans les dépendances de la Préfecture de police. »

Cette destination complexe fait que la Morgue dépend à la fois de la Préfecture de police, de la Faculté de médecine et du pouvoir judiciaire. Administrée par un greffier assimilé aux commis principaux de l’administration centrale, qui a sous ses ordres un commis-greffier, un aide pour les recherches au dehors, trois garçons de service, un garçon de bureau et un gardien, elle est confiée à la haute surveillance d’un médecin-inspecteur en chef, assisté de deux adjoints et d’un suppléant.

Comme le fait remarquer M. Guillot, rien n’est absolument légal dans l’organisation de la Morgue. « La Préfecture de police y règne par des règlemens et non par des lois, et, tandis que l’administration ne saurait disposer du moindre objet trouvé sur la voie publique, c’est par de simples arrêtés qu’elle s’empare des cadavres abandonnés pour les livrer à l’autopsie. » On pourrait ajouter que