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de la manifestation de la vérité, d’ordonner, — malgré ses répugnances personnelles et les protestations attristées de la famille, — le transport du cadavre dans l’établissement public destiné aux autopsies ; d’où la nécessité, pour les pouvoirs publics, d’assurer à cet établissement toutes les conditions de convenance, de décence et de bon fonctionnement que l’opinion a le droit d’exiger. »

Après ces considérations, M. Alpy, tenant compte de toutes les nécessités du service judiciaire et du service de l’enseignement, propose la création d’un institut médico-légal « absolument distinct, mais aussi voisin que possible de la Morgue, » cette dernière étant conservée telle quelle, mais réservée aux inconnus.

Outre les salles de dépôt et d’autopsie, outre les cabinets pour confrontations et interrogatoires que réclament depuis longtemps les magistrats, le nouveau projet emprunte au précédent le plan complet d’installation du laboratoire de toxicologie, dont nous n’avons encore parlé qu’incidemment, bien qu’en réalité il fasse partie intégrante de la Morgue.

Ce laboratoire, dont la création, qui remonte à 1882, est due à l’infatigable initiative de M. Brouardel, n’a pu être installé, faute de place, dans les bâtimens du quai de l’Archevêché; établi provisoirement dans les dépendances de la Préfecture de police, il dispose d’un local absolument insuffisant à tous les points de vue. C’est là que s’exécutent les travaux très divers, chimiques, physiologiques, histologiques, qui sont le complément de beaucoup d’autopsies médico-légales; c’est là que les travailleurs qui veulent entreprendre des études personnelles sur un sujet de médecine légale trouvent un accueil et des ressources qu’ils chercheraient vainement ailleurs; c’est là enfin que se font des conférences pratiques destinées à compléter l’enseignement de la Morgue. Trois fois par semaine, M. Ogier, directeur du laboratoire, et MM. Descouts et Vibert initient les élèves à ce qu’on peut appeler la « cuisine » des expertises judiciaires : recherche des différens poisons dans les organes, examen des taches suspectes sur des vêtemens, etc. Pour faire face à un programme aussi chargé, le laboratoire demanderait un emplacement beaucoup plus considérable : il n’y a même pas de pièce spéciale pour les conférences; aussi faut-il introduire les élèves dans les salles mêmes de travail, salles déjà exiguës et encombrées par le matériel ; la bibliothèque est réduite à un espace tout à fait insuffisant, et c’est dans une cave qu’on a dû reléguer les quelques pièces qui forment le noyau du futur musée médico-légal, dont la création s’impose et dont la place n’est pas plus au Palais de justice qu’à l’École de médecine, parce qu’il ne rendra de réels services que s’il est annexé au laboratoire