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d’enseignement. Enfin, le très beau matériel, qui s’enrichit toutes les années sous l’administration intelligente du directeur actuel, offrira de bien autres ressources aux travailleurs lorsqu’on lui aura donné une installation qui réponde à son importance.

Le projet de M. Alpy concilie, en somme, bien des exigences, et s’il est regrettable, à certains points de vue, qu’on n’ait pas pu se résigner à une solution plus radicale et plus coûteuse de la question de la Morgue, c’est-à-dire à une reconstruction totale, il faut reconnaître que la séparation effective des services actuellement réunis dans un même établissement est la mesure qui peut donner la plus ample satisfaction à l’opinion publique. En adoptant une partie de l’emplacement dont nous parlions plus haut, en réduisant d’autant les premiers plans de l’Institut, nous espérons qu’on saura construire à peu de frais quelque chose qui fera encore bonne figure et qui sera à la fois très proche et tout à fait distinct de la Morgue actuelle.

Souhaitons que tout le monde y mette quelque bonne volonté, que l’on ne s’attarde pas à des questions de détail qui n’intéressent personne; que le conflit entre l’état et le département au sujet du partage des dépenses ne se renouvelle pas, et que, sur une réforme urgente depuis dix ans, il ne vienne pas se greffer de ces discussions oiseuses, bonnes tout au plus à défrayer les loisirs des réunions électorales et dans lesquelles il est question de tout, depuis les enterremens civils et la crémation jusqu’au choix d’une ornementation symbolique à mettre sur la façade d’un établissement qui n’en a que faire.

Qu’on ne fasse pas grand, puisqu’il faut tenir compte des exigences budgétaires, mais du moins qu’on fasse vite ! La situation actuelle ne peut pas durer. Le public qui paie se plaint, et il n’en a que trop le droit. Dans ce siècle bon ou mauvais de scepticisme universel, où tant de vieilles choses craquent et chancellent autour de nous, il nous reste une sainte superstition qui a fait la force du monde antique et qui a traversé toutes les civilisations, parce qu’elle répond au besoin le plus intime de l’âme humaine. C’est ce « culte des morts » que, sous ses dehors légers et gouailleurs, le Parisien pratique plus qu’aucune race au monde. Il s’agit de lui rendre ce qu’on lui doit, c’est tout ce que nous demandons.


ERNEST CHERBULIEZ.