d’au-delà de la Manche. L’influence de l’événement considérable qui doit jouer un rôle si important dans cette étude, l’indépendance des États-Unis de l’Amérique du Nord, fut grande sur le tour d’esprit de nos jeunes patriciens; les salons qu’ils fréquentaient, à Paris, virent leur langage et leurs goûts transformés, et, pendant les dix années qui précédèrent le choc inévitable de deux sociétés en hostilité sourde, l’insurrection des Bostoniens, comme on les appelait, fut un point d’appui pour cette poussée d’idées généreuses qui n’avaient d’égales, dans leur vigueur, que la confiance aveugle dans l’avenir et dans la bonté humaine.
Celui qui représente le mieux ce groupe de l’école américaine, par la simplicité et la chevalerie, par le courage et le désintéressement, par la probité et la volonté, par l’unité des lignes, par l’ignorance des hommes poussée jusqu’à la crédulité et la candeur, en même temps que par l’amour, nouveau jusqu’alors, de la popularité, mérite d’être étudié de près : des documens nouvellement publiés et les communications qui nous ont été faites permettent de juger équitablement cette honnête et noble figure.
Les historiens les plus austères, M. le duc Victor de Broglie, qui l’avait connu, et M. Guizot, qui l’avait approché, ont parlé de lui avec une secrète estime et une liberté d’appréciation mêlée de bienveillance; mais ils ont surtout jugé le La Fayette de la restauration et des journées de Juillet, celui qui « était entouré de gens qui le flattaient et le pillaient. » Les quatre révolutions auxquelles il a assisté l’ont vu jouer un rôle considérable, sinon le premier, dans toutes apportant une ardeur d’esprit que les années n’amortissaient pas, une rectitude de conduite dont il ne dévia jamais, une sincérité et une absence de calculs que ses ennemis les plus acharnés n’ont jamais songé à contester, et un amour du pays qui fut pour lui une religion.
Si les années avaient un peu affaibli ses facultés, lorsque la mort l’atteignit, elles n’avaient pas modifié son caractère. Et cependant, pourquoi ne le dirions-nous pas? On s’est habitué à ne voir en lui que le côté extérieur; on se le représente toujours habillé en garde national, avec la cocarde aux trois couleurs et dans la banalité des accolades patriotiques. De l’esprit fin, du grand seigneur, simple de manières, du causeur charmant, du cœur généreux, du patriarche se faisant aimer de tous ceux qui l’approchaient, de l’âme indomptable, désintéressée, avec l’unité de la vie, il n’en est presque plus question. C’est de l’injustice.
Voir, à travers un homme pareil, tant d’événemens si divers, si intéressans, si dramatiques, est un sérieux attrait pour ceux qui ne se lassent pas de réfléchir sur les suites de la révolution française. Mais si ce n’était pas assez d’être attiré vers La Fayette par le