Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/499

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand nous viendrons dans quelques jours au Lob-Nor. Car maintenant, nous nous engageons dans un désert de sable salé où nous devons emporter de l’eau pour le trajet. Nous entrons à la nuit dans l’oasis de Tcharkalik pour nous arrêter au petit village de ce nom.

Nous campons dans des champs desséchés, sur une aire à battre le blé ; le temps est superbe et chaud : il y a de la verdure tout autour de nous, et nous nous sentons revivre.

Voilà la première partie du voyage heureusement terminée. A part quelques refroidissemens, personne de vraiment malade ; pas de chevaux en mauvais état, un seul chameau perdu.

De Kouldja jusqu’ici, nous avons mis quarante-sept jours.

Maintenant, il faut songer à préparer la seconde étape. Nous trouvons heureusement une aide sérieuse dans la population, qui est bien disposée et que nous gagnons à nous par quelques présens ; nous offrons même, le jour de la fête musulmane, un grand repas composé de trois moutons que nous avons achetés.

Le soir de notre arrivée, quinze chasseurs sont partis pour la montagne afin de nous procurer des peaux. On a mis des pièges partout, et j’ai bon espoir de voir notre collection s’augmenter sensiblement.

Nous allons nous-mêmes nous occuper aussi de chasse. Pendant que M. Bonvalot reste à Tcharkalik pour faire les approvisionnemens d’hiver, je pars avec M. Dédékens et deux de nos hommes afin de visiter le célèbre Lob-Nor.

Deux journées de marche, à travers un désert de sable recouvert çà et là de plaques de salpêtre, nous séparent du petit village d’Abdallah. Ces plaines sont occupées par des milliers d’oies qui se donnent rendez-vous pour descendre en bandes aux Indes.

L’hiver approche, la température baisse à vingt degrés au-dessous de zéro. Nous couchons néanmoins à la belle étoile : il faut nous familiariser avec le froid. Nous ne trouvons d’ailleurs à Abdallah qu’un abri très insuffisant dans les cases de roseaux où les habitans, de race turque, comme ceux de Tcharkalik, nous reçoivent fort bien. Ils nous montrent les boîtes à musique et les cartouches vides laissées par Prjévalsky.

Nous voyons bien les traces du passage de nos prédécesseurs, mais l’objet même de notre excursion reste complètement invisible. Les habitans nous donnent vite la raison de ce phénomène : il n’y a pas de Lob-Nor. Du moins, un lac portant ce nom n’existe pas, et c’est sur les cartes seulement que nous devons chercher cette fameuse mer intérieure que nous rêvions de parcourir en barque. Que s’est-il passé ici ? C’est ce dont nous allons essayer de