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la mort de Basile et de son frère Constantin, de nouveau elles disposent de la couronne. La légitimité de la dynastie macédonienne, que n’avaient pu ébranler, qu’avaient au contraire confirmée les intrusions des Lécapène pendant la minorité de Constantin VII, les intrusions de Nicéphore Phocas et de Zimiscès pendant la minorité de Basile et Constantin, est si bien établie désormais que le principe d’hérédité est reconnu même dans la personne des filles. On avait vu autrefois des empereurs s’associer des empereurs ou tolérer leur usurpation pour qu’ils les aidassent à soutenir le fardeau du pouvoir ; maintenant ce sont des impératrices qui choisissent des maris pour parer aux mêmes nécessités. Constantin VIII n’avait d’autres héritiers que ses trois filles : Eudokia, qui se fit religieuse ; Zoé, qui avait déjà cinquante ans, mais qui montrait du tempérament ; Théodora, qui voulut rester vierge. Avant de mourir, cet empereur fit appeler un de ses meilleurs généraux, Romain Argyre ; gracieusement il lui donna le choix ou d’avoir les yeux crevés ou d’épouser Zoé. Romain ne savait que répondre, étant déjà marié ; sa femme le sauva en entrant dans un monastère. A la mort de son redoutable beau-père, Romain III se trouva prince époux. Son rôle était de guerroyer contre les Sarrasins, tandis que Zoé, très jalouse de ses droits, gouvernait effectivement et tenait dans une étroite captivité sa sœur Théodora. Un caprice amoureux de Zoé abrégea les jours de Romain et donna aux Byzantins un nouveau maître. L’histoire en est tellement étrange, tenant à la fois du conte de Boccace et du drame shakspearien, elle jette une lumière si vive sur les mystères du Palais-Sacré, qu’il faut citer textuellement (toutefois en adoucissant les expressions par trop crues) le récit du chroniqueur Zonaras :


Romain se promettait une longue vie et un long règne ; et, quoiqu’il fût déjà sexagénaire, il rêvait de transmettre l’empire à des successeurs issus de ses reins. Il ne pouvait se persuader que l’impératrice, âgée de cinquante ans au moment de son mariage, fût impropre à lui donner des héritiers, et il travaillait ardemment à obtenir ce résultat. Même il usait de certaines drogues, obligeait sa femme à porter certaines amulettes qui pouvaient contribuer à la rendre féconde, l’impératrice se prêtant à tout avec la plus grande complaisance et ne répugnant pas aux formules magiques et aux incantations. Rien n’y fit, et, voyant qu’il ne pouvait réaliser ses vœux, n’étant guère d’ailleurs de complexion amoureuse, — l’âge contribuant encore à amortir ses feux, — et n’ayant jamais eu pour sa femme un goût très vif, Romain se prit à la négliger de plus en plus. Quelques années se passèrent ; et, tandis que son éloignement augmentait pour l’impératrice, celle-ci, qui était d’un tempérament ardent et qui s’irritait d’être dédaignée,