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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/839

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à Romain II, changea ce nom de servante en celui de Théophano. L’Italienne Berthe avait reçu celui d’Eudokia. Même usage à Moscou : là non-seulement la fiancée, mais parfois son père même, devenu le beau-père d’un tsar, recevaient de nouveaux prénoms : ainsi le père de la première épouse de Pierre le Grand, Harion Lapoukhine, prit celui de Feodor. A Byzance, on avait créé un titre spécial pour le beau-père du prince : celui de Sébastopator.

D’où qu’elle vînt, la fiancée du Basileus était aussitôt entourée de dignitaires eunuques ; elle recevait les entrées successives, dans le même ordre où leurs maris étaient reçus par l’empereur, des patriciennes à ceinture, des protospatharissæ et spatharissa ; , hypathissæ (femmes des consuls), stratorissœ, comitissae, femmes des généraux, des officiers, des scribes, etc. Avant même le mariage, elle était saluée du titre de Basilissa et traitée en souveraine. Elle logeait dans l’Augustéon, la partie du palais réservée aux Augustæ. Les princesses de la famille impériale lui chaussaient les brodequins de pourpre. On la revêtait des ornemens impériaux, et la nouvelle souveraine, peut-être la fille d’un barbare, d’un homme de peine ou d’un petit employé, d’un montreur d’ours ou d’un cabaretier, était parée de ces bijoux célèbres, historiques, trois lois sacrés, qu’avaient portés des générations d’impératrices et de porphyrogénètes. Quand le contrat de mariage avait été rédigé, quand l’empereur avait passé l’anneau de fiançailles au doigt de l’épousée, on procédait aux cérémonies très compliquées du mariage et du couronnement. Ou plutôt, comme le mariage, dans les rites de l’Église d’Orient, a pour symbole principal la couronne posée sur la tête des époux, c’était d’un double couronnement qu’il s’agissait : l’un nuptial, l’autre politique. Les écrivains byzantins emploient deux mots pour les distinguer : stephanôma et stepsimos. Et, chose singulière, c’est le stepsimos qui précède le stephanôma. L’impératrice est déjà Augusta avant d’être la femme de l’Auguste.

Jusqu’à la période des Comnènes, où les idées occidentales prévalurent à Constantinople, la double cérémonie s’accomplissait non pas au grand jour, sous les voûtes de Sainte-Sophie, mais dans le mystère du Palais-Sacré. Les idées grecques d’alors, qui imposaient à la femme une vie de réclusion, ne se seraient point accommodées d’une pompe aussi publique. C’était donc dans quelque église du palais ou très voisine du palais, parfois dans un des salons transformé en oratoire, que la fiancée était d’abord couronnée impératrice, puis mariée.

Voici une description de couronnement au Xe siècle. Dans le grand salon de l’Augustéon, sur des sièges d’or que leur ont