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couronne qu’on pose sur la tête des mariés n’est plus d’or et de pierreries, mais de fleurs ; les factions couvrent de fleurs le lit bientôt nuptial : « de fleurs des champs, » est-il dit dans leurs hymnes. Il y a, dans cette partie du rituel, bien plus de liberté, de laisser-aller, de bonne humeur que dans la première. Seulement, le parunymphe qui conduit la mariée à l’autel est nécessairement un officier « sans barbe. » Toute la nuit, un parent des nouveaux époux, le thyrôros, se tient en sentinelle à leur porte ; peut-être, comme en Moscovie, à cheval, l’épée nue à la main, pour éloigner les malveillans et les méchans esprits. Le troisième jour, l’impératrice sort en grande pompe pour aller prendre le bain symbolique au palais de la Magnaure. La publicité donnée à cette démarche contraste même avec l’idée grecque du gynécée et la rigoureuse pruderie de l’étiquette byzantine. C’est en grand appareil, avec une foule de serviteurs portant ostensiblement des peignoirs, des linges, des bassins, des vases et des cassolettes à parfums, que la Basilissa traverse les vergers de la Magnaure pour se rendre à la piscine. Trois dames, en avant et aux deux côtés de l’impératrice, tiennent des pommes rouges, ce symbole païen de l’amour, mais ornées de perles. Les factions font la haie, poussant des acclamations. Et comme si cela ne suffisait pas pour ameuter la curiosité publique, des chanteurs et des comédiens se joignent au cortège. Chose plus singulière, les consuls, les sénateurs, les hauts dignitaires accompagnent l’impératrice jusqu’à la porte du bain, attendent en dehors qu’elle ait terminé ses ébats, puis la ramènent jusqu’à la chambre nuptiale.

Désormais, la nouvelle impératrice habite dans le palais les splendides appartemens bâtis par l’empereur Théophile, aux dalles de marbre blanc, aux murailles de mosaïques sur fond d’or, aux plafonds d’or soutenus par des colonnettes. Sa chambre à coucher, c’était ce merveilleux Mousikos (l’Harmonie), dont le pavé, de marbres multicolores, semblait « une prairie émaillée de fleurs, » dont les murs étaient tapissés de mosaïques de marbre, où cinq colonnes de marbre soutenaient le dais du lit impérial. Quand elle fera ses couches, ce sera dans le palais de Porphyre, afin que ses enfans, filles ou garçons, soient des « porphyrogénètes » et possèdent toute la quantité de légitimité que comporte la constitution byzantine. Elle est impératrice, elle est Augusta, Basilissa, Despoïna (maîtresse) ; on la traite de Royauté et de Majesté ; elle porte la couronne et le sceptre en forme de branche de lis, symbole de pureté. Quel qu’ait été son père, elle est « d’origine divine » et presque une divinité. Tout ce qui lui appartient est sacré, comme ce qui appartient à l’empereur. Elle figure sur les monnaies à la gauche de son époux, au-dessous