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d’un Christ qui étend ses mains sur leurs têtes. On a vu des empereurs accorder à des Augustæ le droit de battre monnaie, comme Constantin à sa mère Hélène. On en a vu leur élever des statues sur les places publiques, comme Théodose II à Eudokia sa femme. Suivant les circonstances, l’Augusta pourra disposer de l’empire ou être empereur pour son propre compte. Sa vie, inséparable de celle de son époux, est toute de représentation, de processions, de réceptions, d’offices religieux. Elle a sa maison à elle, mais uniquement composée d’eunuques ou de femmes ; comme le prince, elle a son préposé, ses silentiaires, ses ostiaires, ses cubiculaires, ses protospathaires armés de hallebardes et ses spathaires armés de sabres. Tous sont désignés par le choix de l’empereur avec le consentement de l’impératrice, car on comprend que le mari n’ait voulu s’en fier à personne pour le choix de serviteurs honnêtes et fidèles, si difficile à faire dans cette valetaille immense et corrompue du palais ; et la femme de César ne doit pas être soupçonnée. Ce n’est pas que ce personnel fût difficile à recruter ; beaucoup de parens mutilaient leurs enfans mâles pour leur assurer l’accès aux emplois du palais ou même de l’église. De cette catégorie de serviteurs spéciaux sont sortis des ministres, des généraux, des amiraux, des patriarches. Enfin, l’Augusta avait sa flottille à elle, composée de navires noirs et rouges sous le commandement de l’o tès trapezès.

Outre ses officiers imberbes, l’impératrice avait sa maison féminine, à la tête de laquelle était la patricia zôsta, la patrice à ceinture. Celle-ci était un des premiers personnages de l’empire : elle avait le droit de s’asseoir à la table même du Basileus, honneur réservé à six dignitaires seulement. Elle prenait l’investiture des propres mains du souverain, ce que n’avait pu obtenir le préfet de la ville. Elle recevait de lui un manteau dalmate (ou dalmatique), une sorte de corsage ou de cuirasse, un maphorion (ou mantille) blanc ; enfin, ce qui était l’insigne de sa dignité, une ceinture ou baudrier (zonè, lôron), insigne d’un caractère si auguste que la personne qui s’en trouvait revêtue était dispensée de se jeter à plat ventre devant le prince : ce droit équivalait au droit castillan de se couvrir devant le roi. Sous la direction de cette haute dame, venait d’abord une protovestiaria, car l’impératrice avait comme l’empereur son vestiaire, qui comprenait son trésor ; puis une primiceria, des cœtonissœ (pour les salons, cœtones), des cubiculaires ou femmes de chambre (les odalisques de l’Orient musulman). Ces emplois étaient naturellement brigués par les plus nobles dames de l’empire. Revêtues des plus riches étoffes, tissus des fabriques anatoliennes ou péloponnésiennes, soieries des manufactures impériales, mousselines de Perse, pelisses de Khazarie et de Russie,