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l’état-major allemand dans les mesures essentielles qui ont été prises à Rome.

Mais si les déclarations, tour à tour pacifiques et hautaines, du chancelier allemand ont été entendues et comprises en Italie et même en Autriche, qu’en a-t-on pensé, comment les a-t-on appréciées à Saint-Pétersbourg ? Ont-elles touché l’opinion publique, ont-elles redressé l’attitude du cabinet russe ? Aucunement. La presse, soumise, dans une certaine mesure, au contrôle de l’autorité administrative, a persisté dans le jugement qu’elle avait porté sur la conduite tenue au congrès de Berlin par l’ancien et ingrat allié. Le gouvernement du tsar ne changea rien à son programme. Se renfermant dans sa dignité, il redoubla d’efforts, sans bruit et sans ostentation, pour couvrir ses frontières et perfectionner son outillage militaire. La publication du traité d’alliance, le soin que M. de Bismarck mit à en faire ressortir le caractère pacifique, ne modifièrent, sous aucun rapport, l’état des choses, la position prise par chacune des puissances intéressées.


VII

Nous avons dit dans quelles circonstances et sous l’empire de quelles nécessités le cabinet de Vienne a signé le traité d’alliance. Repoussée, on s’en souvient, par la Russie, qui ne sut pas oublier son ingratitude, vaincue par la Prusse, déchue de la haute position qu’elle avait pendant longtemps occupée en Allemagne, l’Autriche était dépossédée de sa sphère d’action en Occident. Elle devait nécessairement orienter sa politique et ses efforts à l’est de ses états pour raffermir et étendre son influence sur les populations slaves de son empire et des contrées voisines. M. de Bismarck lui en fournit le moyen en lui offrant d’occuper deux provinces de la Turquie. Elle ne pouvait décliner une proposition qui, dans une certaine mesure, devait la relever de ses désastres récens. Les difficultés de sa situation expliquent donc et justifient, si l’on veut, sa conduite et l’accord conclu avec l’Allemagne. Mais M. de Bismarck n’entendait pas se borner à son concours ; il voulait s’assurer également celui d’une puissance que tous ses intérêts désignaient comme l’adversaire de l’Autriche et l’alliée de la France. Nous avons nommé l’Italie.

Des événemens d’une portée immense avaient profondément troublé les rapports des quatre plus grandes puissances du continent et leur avaient imposé l’obligation de veiller à leur sécurité. La guerre n’avait pas seulement mutilé la France ; elle l’avait laissée désarmée. Le premier devoir de son gouvernement était de