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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/899

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assure-t-elle, l’unité et l’indépendance de l’Italie en encourageant les illusions du saint-siège, dont la France veut rétablir le pouvoir[1]. On ne réfute pas de pareilles insanités. Mais il nous sera permis de constater qu’on ne cesse de les articuler en Italie, et que le sentiment public en est visiblement et de plus en plus troublé. M. Crispi a-t-il pris soin de démentir ces bruits, d’en relever la puérilité ? N’est-ce pas le devoir d’un homme d’état de redresser l’opinion égarée et de rendre hommage aux loyales intentions d’un pays voisin si souvent, si obstinément accusé, par des organes officieux, de préméditer des actes de violence ? Que penserait-il, si chaque matin et chaque soir, nos journaux les plus accrédités affirmaient qu’on organise, à la Spezzia, une descente à Nice ou sur les côtes de la Corse, que l’Italie pactise avec les partis en France pour renverser la république, sans que le gouvernement français fit un effort quelconque pour mettre fin à des allégations aussi mensongères ? Tolèrerait-il que la probité politique de l’Italie fût ainsi, chaque jour, mise en cause et en suspicion ? A-t-il, pour celle de la France, les ménagemens que commandent les saines traditions internationales ? Il n’a pas seulement, par son abstention, encouragé ses plus ardens défenseurs en Italie à irriter les susceptibilités nationales dans l’un et l’autre pays, il y a contribué lui-même par son langage acerbe, par son attitude hautaine, toutes les fois que, dans le cours ordinaire des choses, il a surgi un désaccord entre Paris et Rome. On se souvient, pour n’en citer qu’un seul, de l’incident de Massaouah. La France osa présenter quelques observations dans l’intérêt des négocians grecs résidant dans cette île sous la protection de notre consul et dont le commerce avait été frappé de taxes qu’ils n’avaient jamais acquittées. L’affaire n’avait aucune importance et ne pouvait donner lieu à un différend sérieux. Il était aisé d’y mettre fin rapidement et sans bruit ; il eût suffi d’échanger quelques explications amicales. M. Crispi voulut voir, dans la démarche du gouvernement de la république, un attentat à la souveraineté de l’Italie. Il en saisit tous les cabinets de l’Europe par des communications dont la forme, plus encore que le fond, étonna les chancelleries accoutumées à moins d’acrimonie et à plus de circonspection. A l’entendre, « la France laisserait croire que les progrès pacifiques de la nation italienne semblent une diminution de sa puissance et de son autorité. » Ce qui n’a aucun sens ou signifie que la France, jalouse de l’influence et

  1. A propos des récentes déclarations du cardinal Lavigerie, un journal ministériel, le Capitan Fracassa, publiait un article ayant la prétention d’établir que l’accord entre la république française et la papauté était un fait accompli et que le moment d’aviser était venu pour le gouvernement italien.