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DANS l’INDE

I.
EN MER. — CEYLAN. — LE BOUDDHISME.


EN MER.


3 novembre 1888.

Nous passons à la hauteur de Massaouah. Voici trois jours que nous descendons tout droit dans le sud. Un beau matin, comme les lignes blondes du Sinaï s’évanouissaient à l’horizon, nous sommes entrés dans les régions brûlantes. Chaleur molle et moite, où les membres semblent se dénouer, où tout l’être se fond et se défait, chaleur humide qui, nuit et jour, accable et prosterne. Par instans, les vêtemens brûlent : on voudrait les arracher. On ne descend plus aux heures des repas; la journée passe, et l’on reste inerte sur la même chaise longue. Malgré la double tente qui, de tous côtés, couvre le navire et cache la mer aussi bien que le ciel, les yeux sont enflammés par l’excès de lumière.

Avez-vous lu l’Ancient Mariner, le fantastique poème de Coleridge? Cette navigation ressemble à la sienne. Même engourdissement, même torpeur étrange que l’on ne parvient pas à secouer. Pas un souffle ; notre vitesse annule celle du vent, qui vient de l’arrière; l’air de leu pèse, immobile, et l’on a l’illusion que le bateau