Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/937

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Indiens, la croyance aux prophéties du messie, mais ils ne savaient où le prendre. Les danses prescrites par lui étaient religieusement observées, et ces danses, qui rappelaient par leurs poses extatiques et leurs mouvemens vertigineux les danses asiatiques, agissaient puissamment sur l’imagination et les nerfs de ceux qui s’y livraient. Les Indiens se réunissaient de nuit dans les clairières, et, entraînés par le rythme et les chants, formaient de gigantesques rondes, tournoyant pendant des heures, ne s’arrêtant qu’affolés et épuisés.

Chargé d’ouvrir une enquête au sujet de ce prétendu messie, le général M.-A. Miles, commandant en chef la division du Missouri, terminait son rapport par ces mots : « Nul doute pour moi que les Indiens ne soient sincères dans leur croyance au messie ; plusieurs l’ont certainement vu. Des bandes d’Indiens ont quitté leur tribu, se rendant dans l’ouest, vers une localité qui serait, autant que je puis conjecturer, dans le Nevada, et là, ils ont vu un homme voilé, qu’ils disent être le messie, et avec lequel ils se sont entretenus. Je suis porté à croire que ce prétendu messie est personnifié par différens individus, car les Cheyennes affirment qu’il leur a parlé dans leur langue, les Sioux dans la leur et les délégués des autres tribus font les mêmes déclarations. A tous il a fait des prédictions identiques, à savoir que le jour approchait où l’on ne ferait plus usage d’armes à feu. Les Indiens morts ressusciteraient, les bisons reviendraient, la race rouge habiterait l’ouest, l’est replié engloutirait les blancs. Parmi les sectateurs du messie, le plus ardent et le plus dangereux est Sitting-Bull, qui, à un plus haut degré qu’aucun autre chef, représente la race indienne[1]. »

Des renseignemens ultérieurs ont, depuis, précisé le rôle de ce messie, représenté, au début, comme un fanatique, appelant les Indiens aux armes et prêchant un soulèvement général. C’était un membre de la tribu des Pah-Utes, habitant près du lac Walker, un rêveur contemplatif et pacifique, dont la misère et les souffrances des siens avaient troublé l’esprit. Profondément imbu de sentimens religieux, comme la plupart des Indiens, qui, par ce trait encore, attestent leur origine asiatique, il attribuait les maux de ses compatriotes à la colère du Grand-Esprit. Doux par nature, il prêtait à son Dieu sa propre douceur. Il le croyait irrité contre les Indiens parce qu’ils étaient toujours en guerre entre eux et avec les blancs ; il prêchait la paix, la résignation, et aussi l’attente prochaine de jours meilleurs. Le Grand-Esprit les lui avait annoncés ; il dépendait des Indiens d’en hâter l’accomplissement, en s’abstenant

  1. New-York Herald, 12 novembre 1890.