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engagée. Les Sioux sont bien montés, bien armés, et des milliers de vies sont en danger. Les troupes arrivent ; le général Miles les commande, et nul mieux que lui n’est à la hauteur de sa tâche. Les Indiens attendent le messie. L’hiver commence et s’annonce rigoureux[1]. »

Peu après, Buffalo-Bill recevait ordre du général Miles de procéder lui-même à l’arrestation de Sitting-Bull ; mais, soit que le concours des Sioux qu’il ramenait parût douteux, soit que son intervention ait semblé compromettante, une dépêche du président intervint, annulant l’ordre du général Miles, et Buffalo-Bill, alors à vingt milles de distance du campement indien, dut suspendre sa marche. L’arrestation de Sitting-Bull fut confiée à la police indienne, aux scouts.

Nous avons dit ce qu’ils sont. Leurs rapports ne laissaient aucun doute sur les résolutions du vieux chef. Il se préparait à lever son camp et à se mettre en marche avec ses Indiens, pour rejoindre dans les Bad-Lands une autre tribu sioux qui lui amenait des renforts. Son parti était pris ; il ne se faisait pas d’illusions sur l’issue d’une lutte, si elle s’engageait, mais il en gardait encore sur la possibilité de gagner le nord-ouest et d’y attendre les temps prédits par le messie. Dans quelle mesure partageait-il aussi la croyance des siens, qu’il n’avait rien à redouter des balles des blancs et que le Grand-Esprit des Indiens le protégeait contre elles ? Son existence aventureuse, la façon presque miraculeuse, dont il était sorti sain et sauf des plus grands périls, avaient impressionné son esprit superstitieux ; aussi lorsque, le 15 décembre, on lui signala l’approche des scouts, il ne témoigna aucune émotion. Ils arrivaient, suivis à distance de deux escadrons de cavalerie et d’un bataillon d’infanterie, commandés par le colonel Drum.

Les Sioux, armés de carabines Winchester et de revolvers, démontaient leurs tentes et se préparaient au départ. A la vue des scouts, pour lesquels ils professent une haine d’autant plus vive qu’ils sont leurs compatriotes, et, à leurs yeux, des traîtres, ils se groupèrent autour de leur chef, et, sans ordre, firent feu. Leur première décharge abattit les scouts d’avant-garde, les autres ripostèrent, pendant que l’un d’eux, s’emparant d’un cheval indien, courait hâter la marche des troupes dont l’arrivée fut le signal d’une mêlée générale. Amenée en ligne, l’artillerie ouvrit le feu sur les Sioux, mais ils tinrent pied pendant qu’une bande de guerriers entourait Sitting-Bull, cherchant à l’entraîner. Cerné par les troupes, il fut fait prisonnier, ce que voyant, les Sioux reprirent l’offensive

  1. New-York Herald, 3 décembre 1890.