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causes plus sérieuses, plus avouables. Il s’explique parce que l’habile chef du ministère, M. Canovas del Castillo et ses collègues, M. Francisco Silvela, le duc de Tetuan, ne sont pas des hommes de réaction. Ils n’ont ni désavoué ni rétracté les réformes accomplies avant eux, et même le président du conseil a laissé entrevoir des projets de réformes sociales qui peuvent sembler hardis. S’ils sont protectionnistes, ils le sont avec beaucoup de libéraux eux-mêmes, surtout avec le pays qui a pu leur donner librement ses votes. Le succès du ministère s’explique aussi par les divisions de ses adversaires, et c’est ici une des particularités les plus significatives de ces dernières élections espagnoles. Il est possible, en effet, que, s’il y avait eu une entente décidée entre les libéraux amis de M. Sagasta et les républicains, le résultat du scrutin eût été différent. La coalition aurait pu avoir quelques avantages électoraux de plus ; elle aurait dû ces avantages à une équivoque dissimulant, sous une tactique électorale, un péril pour les institutions. C’est précisément cette équivoque que M. Sagasta paraît s’être refusé à accepter. Il s’est gardé de se compromettre dans une alliance dont le dernier mot serait une révolution. Il a voulu, pour tout dire, en restant libéral, rester strictement dynastique, demeurer avec son parti, fût-il pour le moment diminué, le ministre possible d’une situation nouvelle. C’est là le fait peut-être le plus caractéristique des dernières élections espagnoles. C’est ce qui a servi sans doute le ministère ; c’est certainement aussi, de la part de M. Sagasta, l’acte d’un chef de parti prévoyant, attentif à ménager l’autorité d’une régence qui, jusqu’ici, n’a été pour l’Espagne qu’une garantie contre des convulsions nouvelles, sans être un obstacle aux progrès libéraux du pays.

Est-ce une simple coïncidence ? y a-t-il eu quelque rapport 6ntre les élections qui se préparaient en Espagne, qui étaient censées émouvoir l’opinion, et l’échauffourée républicaine qui a éclaté tout à coup dans le royaume voisin, en Portugal ? Toujours est-il que, la -veille même des élections espagnoles, la sédition a envahi la grande ville commerçante et industrielle de Porto. Quelques régimens ou, pour mieux dire, quelques détachemens de soldats et de douaniers ont levé le drapeau de l’insurrection et pris les armes au nom de la république lusitanienne ou ibérique. C’est le début de tous les mouvemens militaires qui se sont si souvent produits en Espagne et même en Portugal ! Le mouvement de Porto n’a pu, heureusement, aller bien loin. À peine ces soldats révoltés se sont-ils mis en marche pour aller s’emparer de la préfecture et de l’hôtel des télégraphes, ils ont été arrêtés par deux compagnies de garde municipale qui ont ouvert le feu. Un véritable combat s’est engagé dans les rues, et à en juger par la durée du combat, par le nombre des victimes, il a dû y avoir quelque acharnement, les insurgés n’ont pas dû céder du premier coup. Les