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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/115

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si complet dans la direction de la législation économique et de déplorer la contradiction vraiment choquante qui éclate entre les tendances libérales de notre temps et la restauration des tarifs de douane. Mais il ne faut plus s’étonner de rien. Les hommes d’état et les législateurs de cette fin de siècle semblent être parfaitement résolus. Ce serait peine perdue que de réveiller la vieille querelle, d’opposer le libre échange à la protection, de remettre en lumière les principes et les doctrines qui, sous la génération précédente, ont eu leur période, trop courte, de popularité et d’influence. Les économistes de la vieille école sont aujourd’hui représentés comme d’ennuyeux docteurs qui prêchent dans le désert. Et les libres-échangistes ! Il faudrait être bardé d’un triple airain pour oser prétendre que la liberté du commerce est préférable aux restrictions, qu’elle réalise, autant et même mieux que tout autre procédé, la protection du travail, et qu’elle est, en définitive, le mode le plus simple, le plus juste et le plus efficace pour répartir le bien-être entre les individus et la prospérité entre les nations. Non, les circonstances ne sont point favorables pour la thèse du libre échange; mais, s’il est difficile de refouler le courant du protectionnisme, on peut du moins signaler les écueils qu’il recouvre et tenter de contenir le flot qui déborde. Ainsi seulement, la discussion peut être utile. Toute réserve étant faite sur les questions doctrinales, il s’agit d’examiner s’il y a intérêt et profit pour la France à modifier, comme on le propose, les conditions de ses rapports commerciaux avec les autres nations, quelles peuvent être les conséquences de ces changemens, leurs inconvéniens et leurs dangers.


I.

Si l’on observe, dans le passé comme dans le présent, les évolutions de notre législation douanière, on est amené à reconnaître que le plus souvent les décisions prises en matière de tarifs ont été dictées par des considérations d’ordre politique ou imposées par des coalitions d’intérêts individuels ou corporatifs, qu’il ne faut pas confondre, bien que ceux-ci le prétendent, avec les intérêts généraux de la nation.

Le premier tarif de la restauration, succédant au régime du blocus continental, était relativement très modéré. Mais, peu d’années après, de 1822 à 1826, toutes les taxes, s’appliquant aux denrées agricoles et aux principaux produits industriels, furent surélevées outre mesure. Ce mouvement si brusque procédait, avant tout, d’une conception politique. Il s’agissait de reconstituer la grande propriété et de créer la grande industrie. La monarchie de 1815 ne prétendait certainement pas restaurer les privilèges