par milliards que le progrès s’est chiffré dans les échanges, comme dans la production de tous les peuples européens, et il serait facile de démontrer que ce progrès a été le plus marqué chez les peuples qui sont entrés les premiers et le plus résolument dans les voies tracées par des tarifs modérés et par les traités. Il semble donc que, s’il y a une réforme à introduire dans les régimes douaniers, cette réforme doit s’inspirer de la politique libérale qui a développé la production et les échanges et qu’elle doit se traduire par des réductions de taxes.
Les chemins de fer et la navigation à vapeur ont évidemment contribué pour une très grande part au progrès de la production intérieure et du trafic international. On prétend même que l’honneur de ce progrès revient exclusivement à la locomotive et au paquebot, et que les tarifs n’y sont pour rien, c’est-à-dire que, si les tarifs n’avaient pas été abaissés, l’activité industrielle et commerciale n’eût pas été moindre. Quoi qu’il en soit, les nations couvrent leur territoire de voies ferrées aboutissant à toutes les frontières; elles dépensent des sommes énormes, elles s’endettent, pour plusieurs générations, à ce travail cyclopéen ; celles qui ont la mer agrandissent et creusent, à grands frais, les ports, subventionnent des lignes de paquebots, prodiguent les primes. A quoi bon, si ce n’est pour étendre leurs mouvemens d’échange non-seulement à l’intérieur, mais aussi à l’étranger? La logique ne demande-t-elle pas que, plus on multiplie les voies de communication, plus on continue d’abaisser les barrières de douanes qui ralentissent la circulation des marchandises? Ouvrir les routes et fermer les portes, quelle contradiction!
Telle est, cependant, la réforme qui se prépare. Nous assistons à un mouvement rétrograde qui ramène les tarifs, sinon à l’antique prohibition, du moins à un système de taxes et de restrictions dont le commerce international pouvait se croire définitivement affranchi. Et cette évolution ne s’observe pas seulement en France ; elle se produit presque partout en Europe, dans les états monarchiques comme dans les états républicains, en Russie, en Allemagne, en Espagne, en Suisse. C’est un entraînement universel. Il y a quelques années, la conclusion d’un traité de commerce était considérée comme un succès politique, comme un profit économique; aujourd’hui, les traités sont mis à l’écart et presque conspués : on attend impatiemment leur échéance, on saisit en toute hâte le moment de les dénoncer ; chacun veut être rendu libre pour refaire son tarif à sa guise, c’est-à-dire pour relever les droits de douane et pour organiser, par ce moyen, la protection du travail national.
Il est permis d’éprouver quelque surprise en observant ce revirement