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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/120

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1860 était atteinte sur quelques points, les droits, définitivement adoptés, n’étaient pas prohibitifs. Même avec un surcroît de protection, l’échange international demeurait possible.

L’ancienne association pour la protection du travail national, réorganisée en 1878 sous le nom d’association de l’industrie française, se composait à peu près exclusivement de manufacturiers. Elle n’excluait pas les agriculteurs, mais ceux-ci ne s’étaient point rapprochés d’elle, non-seulement parce qu’ils avaient leur représentation spéciale dans la Société des agriculteurs de France, mais encore parce que, depuis de longues années, les industriels et les agriculteurs étaient loin de s’entendre. L’agriculture, dont les produits étaient moins protégés par le tarif que ceux de l’industrie, se montrait jalouse de cette inégalité de traitement et réclamait contre les droits, excessifs à son avis, qui renchérissaient le fer, les machines, les tissus, etc. Les régions vinicoles se plaignaient également d’être sacrifiées à l’intérêt industriel; elles pensaient que, si le tarif français était moins restrictif, le gouvernement pourrait obtenir à l’étranger de plus fortes réductions de droits en faveur des vins et des spiritueux. Mais, lorsque survint la crise agricole, s’ajoutant aux ravages causés par le phylloxéra, lorsque les mauvaises récoltes en céréales et l’insuffisante production du vin amenèrent une importation considérable des blés et des vins étrangers, lorsque, par suite, baissa le taux des fermages, la Société des agriculteurs s’émut, et elle invoqua, elle aussi, la protection du tarif. Dès ce moment, l’union fut aisément établie entre les deux intérêts, naguère opposés, désormais tendant au même but. L’association de l’industrie française et la Société des agriculteurs de France conclurent le pacte d’union, et formèrent une ligue qui engagea vigoureusement la campagne et obtint, du premier coup, des droits élevés sur les céréales, sur les raisins secs, sur les principales denrées alimentaires, en attendant que l’expiration des traités en 1892, mettant fin aux tarifs conventionnels pour les produits manufacturés, donnât toute liberté pour accorder à l’industrie une égale protection, au moyen d’un nouveau tarif général, que le gouvernement était chargé de proposer à bref délai. Le projet de tarif a été, en effet, présenté à la chambre des députés en octobre 1890 : la discussion est ouverte.


II.

L’exposé des motifs, qui précède le projet de tarif, est plutôt une œuvre de résignation qu’un acte de conviction. Pressé par les exigences électorales et par les influences parlementaires, le gouvernement se résigne à recommencer le fastidieux travail de 1881 et à