Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régionales et dominer sur l’ensemble du pays. C’est le rôle du gouvernement et des chambres.

Quelles sont donc les principales raisons qui justifieraient le nouveau tarif des protectionnistes ? L’agriculture allègue la dernière crise agricole, l’augmentation des impôts généraux et des charges communales, la rareté et le renchérissement de la main-d’œuvre, l’insuffisance des prix de vente par rapport aux prix de revient, la concurrence de l’étranger, et, comme conséquence, la baisse des fermages ainsi que l’avilissement de la propriété foncière. L’industrie produit à peu près les mêmes griefs, quant à l’aggravation de ses charges, à l’augmentation des prix de revient et à la concurrence étrangère ; elle y ajoute les menaces de grèves d’ouvriers.

La crise agricole et la crise industrielle ont atteint, durant ces dernières années, presque tous les pays européens et les États-Unis. Ici l’excès de production, là des krachs financiers, ailleurs des difficultés politiques, des conflits plus aigus entre patrons et ouvriers, presque partout un certain malaise social, ces différentes causes ont déterminé et prolongé des crises plus ou moins profondes dont le premier symptôme a été le ralentissement de l’activité commerciale. La France n’a pas été plus touchée que l’Allemagne, l’Italie, la Belgique ou l’Angleterre elle-même. Ces crises, d’ailleurs, ne sont que des accidens, auxquels un tarif, fut-il prohibitif, n’apporterait aucun remède et qui ne valent certainement pas qu’un grand pays bouleverse ses lois économiques. Quant à l’augmentation des impôts, elle n’est que trop réelle. Non-seulement les dépenses jugées nécessaires pour la défense nationale et pour les chemins de fer, mais encore des prodigalités que le gouvernement républicain aurait pu épargner à la génération présente, surchargent les fortunes privées et le travail en même temps que le budget. Est-ce que cette situation embarrassée se rencontre particulièrement en France ? Voyez les autres pays. La plupart et les plus grands, ceux qui sont nos concurrens pour la production agricole et manufacturière, sont également écrasés par les impôts, et peut-être en souffrent-ils plus que nous, parce que, en pareille matière, ce n’est point le poids du fardeau que l’on considère, c’est la force de celui qui est condamné à le porter. Il vaut mieux exiger du gouvernement et des législateurs qu’ils se montrent plus économes, ne pas leur laisser croire qu’ils pourront, en concédant des augmentations de tarifs, à titre de compensation des impôts, obtenir le pardon de leurs prodigalités.

Si le prix de la main-d’œuvre a haussé pour l’agriculture, cela tient à l’émigration des campagnards vers les villes, où ils sont attirés par la perspective d’un travail plus abondant et mieux