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traités avec l’Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, l’Italie et la Russie, pour que l’Allemagne soit soumise, sans faveur d’aucune sorte, à notre tarif général, et, si nous traitons avec ces pays, il nous est loisible de ne point inscrire dans les conventions des droits trop faibles sur les articles pour lesquels la concurrence allemande nous serait trop redoutable. Voilà en quoi consiste le traité de Francfort, pour ce qui concerne le commerce, et il faut avouer que le patriotisme électoral s’est singulièrement fourvoyé dans ses imprécations. Peut-être aujourd’hui, par un juste retour des choses de la politique, gêne-t-il l’Allemagne ; il ne gêne pas la France, et il ne saurait fournir un argument sérieux aux adversaires du régime des traités.

Ainsi que nous l’avons précédemment indiqué, le ministre du commerce déclare, dans l’exposé des motifs du projet de loi, que le gouvernement ne saurait renoncer absolument à la faculté de conclure des traités de commerce, le tarif minimum devant servir de base aux négociations et ce tarif étant combiné de manière à ne point compromettre ni même inquiéter l’industrie nationale. Quant à l’agriculture, elle peut être dès à présent rassurée. Confirmant les promesses laites antérieurement devant les chambres, le ministre répète que les principaux produits agricoles demeureront en dehors des traités, c’est-à-dire que la diplomatie ne pourra, en aucun cas, toucher à leur tarif. Pourquoi cette exception? Comment justifier ce privilège? On veut, par exemple, relever démesurément les droits sur les bestiaux et sur les viandes fraîches, et si la France avait un grand intérêt politique, commercial ou autre, à traiter avec l’Italie ou avec la République Argentine, le gouvernement aurait les mains liées ; il lui serait absolument interdit d’accorder à ces deux pays une réduction quelconque des droits excessifs du tarif général sur ces deux articles ! Non : le droit constitutionnel, la responsabilité et la dignité du gouvernement ne s’accordent pas avec une telle interdiction. Il peut arriver qu’une alliance nécessaire exige quelques sacrifices. Tous les patriotes sont prêts à en supporter leur part ; seule, l’agriculture en serait exempte! c’est bien mal défendre l’agriculture que de lui faire une situation pareille. Elle voudrait assurément, comme l’industrie, si les circonstances le commandaient, contribuer au succès de négociations utiles au pays. A quoi bon, dès lors, s’engager à l’avance et créer une inégalité de plus dans la protection?

La fin de ces combinaisons savantes, — Tarif général, tarif minimum, interdiction de toucher aux tarifs agricoles, menaces de représailles insérées dans l’article 4 du projet de loi, — c’est l’isolement commercial de la France et peut-être la guerre des tarifs.