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Quant aux traités de commerce, le dernier mot d’ordre est qu’il n’en faut plus. Nous disons le dernier mot d’ordre, parce que l’opinion sur ce point a varié, tant parmi les libres-échangistes que parmi les protectionnistes. Les premiers, n’admettant dans les tarifs que les droits fiscaux et repoussant, en principe, toute taxe de protection, considèrent naturellement les conventions comme inutiles. Mais, voyant bien que leur doctrine a peu de chances d’être acceptée de plano, ils en sont venus à recommander le traité de commerce comme un moyen indirect d’aboutir à l’abaissement des barrières de douanes. Ce sentiment n’est plus unanime. Certains libres-échangistes, et des plus marquans, se sont prononcés récemment contre le procédé des tarifs diplomatiques. Quant aux protectionnistes, la grande majorité, — Tout en estimant que nos négociateurs ne leur réservaient pas une protection suffisante, — approuvait le régime des traités à longue échéance, parce que ce régime procurait plus de sécurité par la fixité des tarifs étrangers. Présentement, l’opinion des comités et des groupes dirigeans est contraire aux traités; on aime mieux décidément, après s’être assuré d’un bon tarif, ne pas s’exposer à voir celui-ci modifié par les diplomates. Ici intervient habilement le spectre du traité de Francfort, et le patriotisme prend la parole.

Le traité de Francfort! Il a fourni des alinéas pathétiques à maintes circulaires électorales. Combien de députés se sont engagés dans leurs affiches contre ce fameux article 11, que probablement ils n’ont jamais lu! — L’état de guerre ayant rompu tous les traités antérieurement conclus par la France tant avec la Prusse qu’avec les divers états de l’Allemagne, il fallut bien, après la cessation des hostilités, aviser au rétablissement des relations commerciales entre le nouvel empire allemand et la France. Conclure un traité complet en due forme, avec tarifs y annexés, on n’en avait pas le temps. Les négociateurs français, MM. Jules Favre, Pouyer-Quertier et de Goulard, jugèrent qu’il suffisait de stipuler, en termes généraux, que « le gouvernement français et le gouvernement allemand prendraient pour base de leurs relations commerciales le régime du traitement réciproque sur le pied de la nation la plus favorisée. » De même, le traité de Francfort remettait purement et simplement en vigueur les conventions sur la propriété littéraire et artistique, sur le service international des chemins de fer, etc. Pouvait-on agir autrement, et l’intérêt de la France n’était-il pas sauvegardé autant que celui de l’Allemagne? C’était un modus vivendi qui ne comportait ni restrictions ni concessions nouvelles. Si le traité de Francfort lie les deux états, le lien n’est pas plus serré pour l’un que pour l’autre. Nous n’avons qu’à ne pas avoir de