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L’AMOUR

ÉTUDE DE PSYCHOLOGIE GÉNÉRALE.

Au début de son admirable poème sur la nature des choses, Lucrèce invoque Vénus, Venus genitrix, Venus alma; et, si les beaux vers du poète philosophe n’étaient pas connus de tous, nous voudrions les mettre ici en commençant pour bien indiquer que la pensée de Lucrèce n’a pas vieilli depuis deux mille ans. Aujourd’hui comme alors, en notre époque de science positive comme au temps de la vieille Rome, on reconnaît que l’origine de toute vie terrestre, c’est l’amour.

L’amour dans la nature, chez les bêtes et les hommes, voilà ce que nous voudrions traiter ici.

Le sujet est difficile, et nous n’ignorons pas que l’entreprise est périlleuse. Peut-être serons-nous forcés d’énoncer tout haut certaines choses qu’on dit tout bas. Chacun les connaît parfaitement; mais, par une sorte de pudeur propre à notre époque de haute moralité, on n’ose guère les imprimer ailleurs que dans les ouvrages techniques. Nous traiterons ces questions délicates avec tout le respect que méritent les lecteurs, et surtout les lectrices de cette Revue; mais nous nous garderons de toute hypocrisie, et nous ne chercherons pas de périphrase là où il n’y a pas de périphrase à mettre.

Faut-il avouer que nous avons une arrière-pensée ? Les romanciers, les psychologues, les auteurs dramatiques, les distillateurs de quintessence, dont la race ne s’est pas perdue depuis l’hôtel de