Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Non-seulement ce globe terrestre est ridiculement petit, mais son existence est très brève. La Terre a eu un commencement, et sa fin approche; dans quelques millions de siècles, elle sera tout à fait froide, et la vie sera éteinte. Ce sera un astre mort, comme l’est actuellement la Lune, si bien que notre planète, infiniment petite dans l’espace, n’a existé et n’existera que pendant un temps infiniment court.

Eh bien! nous ne connaissons, en fait de vie, que ce qui est aujourd’hui vivant sur la Terre. Par conséquent, nous ne pouvons juger de l’ensemble que par une portion extraordinairement petite de cet ensemble. Conclure de la Terre au monde, c’est de l’imprudence et de l’impudence. Qui donc, en examinant une goutte d’eau, prétendrait comprendre tout ce qui se passe dans l’Océan ?

Il est cependant à cette généralisation une excuse très légitime; c’est que nous ne pouvons faire autrement. Si, pour parler de la Nature, il nous fallait posséder quelques notions (vagues ou précises) sur ce qui se passe dans les planètes ou dans les étoiles, nous serions réduits à ne rien dire du tout ; car nous ne savons absolument rien du monde stellaire, sinon les orbites décrites par les astres, et il est possible que nous n’en sachions jamais beaucoup plus.

Donc limitons-nous à notre globe terrestre. Si petit qu’il soit, nous sommes encore bien loin de l’avoir complètement étudié ; mais les botanistes et les zoologistes ont pu cependant poser quelques lois, découvrir quelques principes qui semblent permettre une conclusion générale ; quand nous disons générale, il est bien entendu que nous n’avons pas la prétention de dépasser les bornes étroites de notre humble sphère terrestre.


Ce qui frappe quand on étudie les êtres vivans, c’est de voir qu’ils sont faits pour vivre. Tout en eux concourt à assurer leur existence. Toute leur organisation est destinée à les protéger contre la mort. Tous leurs sentimens sont des sauvegardes tutélaires ; chaque individu est pourvu d’instincts de répulsion et d’instincts d’attraction, qui, les uns et les autres, ont pour résultat d’assurer son existence; répulsion, pour fuir ce qui est mauvais ; attraction, pour chercher ce qui est nécessaire.

La douleur, le dégoût, la peur, voilà les trois grands sentimens répulsifs.

Il serait absurde de supposer autre chose que ce qui est. Si une blessure, au lieu d’être douloureuse, était agréable, voire même indifférente, les êtres, ne cherchant pas à s’y soustraire, iraient sans crainte au devant des mutilations, des traumatismes, des blessures les plus graves. La douleur est la sentinelle de la vie. C’est un