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assez mal connue; mais, s’il fallait en juger par les résultats de la sélection, nous en conclurions qu’elle serait voisine de l’âme humaine.


V.

La comparaison des mœurs des animaux avec les nôtres ne serait guère à notre avantage. Au lieu de pratiquer cette sélection qui assure le progrès, nous n’attachons aux qualités physiques, dans les unions matrimoniales, les seules où il y ait souci d’une progéniture, qu’un intérêt tout à fait secondaire. Les conditions sociales sont prépondérantes. Tel individu déjà mûr, malingre, et dépourvu de tout agrément physique, sera par les parens, et même par les jeunes filles, probablement préféré à un jeune homme beau, vigoureux, intelligent et sans fortune. Et ce qui est vrai pour le choix des maris est encore plus vrai pour le choix des femmes. Le souci de la santé, de la vigueur, de la beauté, de l’aptitude à donner des enfans beaux et vigoureux, tout cela est considéré comme conditions d’importance secondaire.

Une dot considérable prime tous les avantages personnels. Il s’ensuit que, dans nos civilisations occidentales, l’espèce humaine, au lieu de s’améliorer, tendrait plutôt vers une sorte de dégénérescence. Si de ces pages que nous écrivons se dégageait seulement cette conclusion, qu’il faut attacher une importance primordiale, presque exclusive, aux qualités physiques ou intellectuelles des futurs époux, j’estimerais avoir rendu à mes contemporains un signalé service. Qui sait si l’avenir de l’homme n’est pas dans une amélioration de la race? A force d’intelligence, nous tombons au-dessous des animaux, qui, grâce à la sélection sexuelle, vont se perfectionnant de jour en jour.


Mais revenons aux oiseaux et à leur manière de comprendre les sentimens amoureux. Le coq, le dindon, sont polygames, mais leur polygamie tient peut-être à l’état de domesticité, car la plupart des autres oiseaux sont monogames; et, quoique nous ne sachions rien de précis sur leur fidélité conjugale, nous serions tentés de croire qu’elle est au moins égale à la fidélité conjugale qui règne parmi les hommes.

Au commencement du printemps, un mâle et une femelle prennent la résolution de vivre ensemble. Alors se forme un véritable ménage. Ce ne sont pas seulement des amoureux; ce sont des époux ; et l’union ne se dissoudra que plus tard, lorsque les petits seront devenus suffisamment grands pour voler et chercher leur nourriture tout seuls. Ainsi, chez les oiseaux, il y a plus que