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l’amour : il y a encore le mariage, avec association et communauté d’intérêts. Le nid est fait en commun ; et, pendant que la femelle couve les œufs, le mâle lui apporte la nourriture, ou encore, suivant la touchante coutume de certains oiseaux chanteurs, il cherche à dissiper l’ennui de la pauvre femelle qui couve patiemment les œufs, l’espoir de la lignée à venir. C’est ainsi que, pendant les nuits de printemps, on entend le rossignol s’égosiller en roulades, pendant que près de lui la femelle, silencieuse, couvant ses chers œufs, l’écoute avec admiration.

Chez certains oiseaux, le ménage est moins uni que chez d’autres (comme les hirondelles, les cygnes, etc.), et il y a une vie en commun qui ne s’accorde peut-être pas très bien avec une fidélité conjugale exclusive. Mais, quoique les amours aient été un peu folâtrement mélangées, cela n’empêche pas qu’un jour certain couple se détache de la communauté pour construire un nid. Il n’y a pas eu de véritable ménage avant que le nid ait été fait; mais, au moment de la confection du nid, le véritable ménage se constitue. Ce n’est peut-être pas toujours le vrai père qui s’occupe du nid ; c’est souvent une sorte de père adoptif, mais il n’en joue pas moins bien son rôle.

Chez les oiseaux, comme chez les mammifères, c’est la femelle qui a pour mission de veiller au sort des jeunes ; c’est la femelle qui couve, c’est la femelle qui est la vraie gardienne de la petite couvée, et, quoique souvent, au moins chez les oiseaux, le mâle témoigne quelque amour paternel pour ses petits, cet amour n’est pas comparable à celui que déploie sa compagne.

Et il en est ainsi, presque sans exception, dans presque toute la série des vertébrés supérieurs (les seuls d’ailleurs qui s’occupent de leurs petits). Le mâle, une fois qu’il a satisfait à ses désirs amoureux, a en réalité terminé son rôle : aussi ne s’occupe-t-il que médiocrement du fruit de ses amours, La femelle, au contraire, n’abandonnera ses petits que lorsqu’ils seront assez grands pour se suffire. Jusque-là elle veillera sur eux avec une tendresse jalouse, comme si elle comprenait que sa mission ne consiste pas seulement dans la procréation, mais encore dans la protection d’une génération nouvelle. Indifférente aux caresses du mâle, et même, à l’occasion, défendant ses petits contre lui, elle déploie, malgré sa faiblesse, contre les ennemis les plus redoutables un courage extraordinaire. Une poule, avec ses poussins, tient tête à un dogue furieux. Le danger n’existe plus. L’amour maternel inspire une vaillance héroïque aux êtres les plus timides.


Et dans un faible corps s’allume un grand courage.