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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/171

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à notre organisation physiologique et psychologique, comme l’amour de la mère pour ses enfans. Sans le mariage, les femmes seraient toujours abandonnées, et elles auraient seules à supporter toutes les charges et tous les devoirs que comporte l’éducation de l’enfant.

Et quand nous parlons ici du mariage, ce n’est pas seulement du mariage monogame. La polygamie existe chez des peuples dont la civilisation est encore assez florissante. La polygamie serait parfaitement compatible, comme l’expérience le prouve, avec un état social très développé. On ne peut opposer à la polygamie qu’une seule objection, mais une objection fondamentale, c’est qu’elle est en contradiction avec les conditions naturelles de l’humanité. En effet, le nombre des naissances de garçons et de filles est toujours dans un même rapport, presque invariable, à peu près 105 garçons pour 100 filles. Or la mortalité, dans les premières années, frappant un peu plus les garçons que les filles, il s’ensuit qu’il y a, à l’âge nubile, à peu près exactement autant de garçons que de filles. Donc, la polygamie ne serait possible que si un certain nombre d’hommes étaient forcés de s’abstenir du mariage, ce qui est manifestement absurde. S’il naissait trois fois plus de filles que de garçons, la polygamie serait nécessaire, et il semble bien que cette organisation différente de la famille pourrait s’accommoder avec une civilisation aussi parfaite que la nôtre.


Ainsi le mariage nous apparaît comme la consécration sociale de l’amour. C’est l’amour réglementé, assagi. Les civilisations humaines, dans leur sagesse, fruit d’une antique expérience qui se perd dans les ténèbres des âges préhistoriques, ont trouvé que c’était la meilleure solution pour sauvegarder la famille.

Et c’est ainsi que, profitant de son intelligence supérieure, l’homme a su, sans trop altérer les penchans amoureux communs à lui et à tous les êtres, assurer par des lois humaines la conservation de l’espèce et la protection de la famille qui va naître.


CHARLES RICHET.