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la démocratie sociale. Ces crimes étaient absolument contraires à l’esprit et à la doctrine du parti qui répudie le régicide, les conspirations ténébreuses et sanguinaires. Une atmosphère malsaine les avait fait naître. L’apprenti ferblantier Hœdel, esprit puéril, était inscrit en dernier lieu au parti socialiste chrétien; il ne savait d’ailleurs lui-même s’il était adepte de Bakounine, de Marx ou de Stœcker. On ne découvrit aucune relation entre Nobiling et les socialistes démocrates. Vaniteux incapable, à bout de ressources, il cherchait une fin théâtrale, et tira sur le vieil empereur, sans fanatisme, mû par un monstrueux sentiment d’orgueil.

La loi contre les socialistes, que M. de Bismarck obtenait après de nouvelles élections, où le parti ne perdit que 60,000 voix environ, où il en gagna même à Berlin, mettait entre les mains des gouvernemens et de la police des pouvoirs exceptionnels, limitant pour les socialistes, de beaucoup de manières, le droit de réunion, d’association, la liberté de la presse et la liberté de séjour. Les mesures étaient combinées de manière à anéantir toute organisation, toute activité publique dans le parti, et à réprimer avec une extrême rigueur toute tentative d’organisation secrète. Elle ne laissait intacte que le droit de vote, qui l’a rendue vaine.


IV. — L’ERE DE REPRESSION[1].

Les gouvernemens appliquèrent la loi contre les socialistes, mise en vigueur, le 21 octobre 1878, avec une extrême énergie. Ils ne rencontrèrent ni provocation ni résistance. Dès le 19, le comité central de Hambourg, 135 associations et Vereine se dissolvaient, 35 journaux cessaient de paraître. A la date du 30 juin 1879, 147 publications périodiques, 218 non périodiques, livres, brochures, étaient supprimés et interdits, 217 Vereine et cinq caisses dissous. De 1878 à 1886, le petit état de siège, avec droit d’expulsion des villes contre les personnes réputées dangereuses, était établi à Berlin, Leipzig, Francfort, etc., trois millions et demi d’Allemands s’y trouvaient soumis. Quatre-vingt-treize membres du parti, les plus zélés, les plus actifs, étaient chassés en une fois de Berlin, puis d’autres villes. Enfin la loi, qui devait durer trois ans, fut successivement prorogée jusqu’à douze. — Toute l’organisation si favorable du parti était anéantie, la presse silencieuse, la police partout aux aguets.

Mais, chez le peuple allemand, les cohortes de la destruction

  1. Die culturgeschichliche Bedeutung des Socialistengesetzes, von Ludwig Bainberger. Leipzig, 1878. — Zum ersten October, von August Bebel, Neue Zeit, n° 1. — Le Socialisme international, par l’abbé Winterer. Mulhouse, 1890.