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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/20

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avec ordre de s’opposer à toute négociation clandestine. Il assurait que Berg-op-Zoom saurait se défendre, et qu’en tout cas, si on savait attendre la campagne suivante, on verrait apparaître un secours russe de trente mille hommes, déjà tout prêt, pourvu qu’on voulût bien le payer; et quand on lui demandait qui en ferait les frais, il répondait que la Hollande y contribuerait largement, moyennant un impôt de 2 pour 100 sur tous les revenus que les états-généraux étaient, sur sa demande, déjà résolus à voter[1].

Sous l’empire de cette pression, George ne se décidant pas à prendre parti entre son fils et son gendre, les ministres parlementaires et pacifiques durent encore une fois faire taire, en soupirant, leurs aspirations, et une réponse d’un ton officiel, et par là même très décourageante, fut opposée au second message de Maurice : « Le roi d’Angleterre, y était-il dit, n’avait aucune démarche à faire pour solliciter la paix, n’ayant pris les armes que pour la défense de son royaume et le soutien de ses alliés, sans le concours desquels, d’ailleurs, il ne pouvait rien entendre. » Puis, tout en repoussant l’ouverture en bloc, on n’en prenait pas moins occasion pour insister sur deux exigences dont on connaissait le caractère particulièrement blessant : le rétablissement de Dunkerque dans l’état qui avait précédé la guerre, et l’exclusion à perpétuité du sol français, non-seulement du chef de la maison des Stuarts, mais de toute sa descendance et de toute sa famille. Et avec le courrier qui rapportait cette communication, assez semblable à un défi, arrivait au quartier même de l’armée alliée lord Sandwich, ayant repassé le détroit en toute hâte, comme pour bien établir que rien ne pouvait être engagé que par son intermédiaire, et que toute autre voie que celle de la diplomatie restait interdite. C’était, disait plus tard Chesterfield, traiter les conditions de la paix comme les mystères de la foi, qu’on renvoie aux conciles-généraux pour n’en jamais finir, ni même commencer la discussion.

Maurice ne se fit aucune illusion et comprit qu’en ce qui le touchait, du moins, tout était manqué : « Je vous envoie, écrivait-il à Puisieulx[2] sur le ton goguenard qui lui était familier, des nouvelles auxquelles je ne m’attendais pas ; et comme il est bon de voir clair

  1. Pelham Administration et Journal de Marchemont, etc. — Voir aussi dans la Correspondance de Chesterfield, t. III. p. 209 et suiv., les lettres de ce ministre à l’envoyé anglais à La Haye, Dayrolles, avec qui il s’entendait à l’insu du ministre extraordinaire, lord Sandwich, lequel correspondait directement avec le duc de Newcastle.
  2. Maurice à Puisieulx, 20 août 1747. (Correspondance de Hollande. — Ministère des affaires étrangères.)