Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tirer des bénéfices particuliers de la cause socialiste, se livrer à un socialisme lucratif, à un socialisme d’affaires, est sévèrement dénoncé. La presse tendrait ainsi à devenir une sorte d’institution d’État socialiste, selon les principes. Elle compte actuellement plus de cent journaux, en y comprenant les organes des unions de métiers. Elle possède une revue scientifique, avec des rédacteurs de tous les pays, la Neue Zeit (Nouveau Temps) un journal illustré, un journal amusant. Le nombre des abonnés s’élève à 600,000. Les feuilles de Berlin, déjà lues, sont réunies par quartier, et régulièrement expédiées dans les provinces.

Avant de discuter la politique future, les députés ont rendu compte de leur mandat législatif et expliqué leurs votes au Reichstag. Ils ont protesté contre le militarisme « qui ronge la moelle du pays, » tout en se rendant compte, ainsi que l’exprimait Bebel, « que le désarmement est une utopie dans la société bourgeoise qui ne connaît aucune fraternité, et qui a besoin de places d’officiers pour ses fils. » Nous avons suffisamment indiqué leur attitude à l’égard du protectionnisme et du socialisme d’Etat, qu’ils n’écartent pas en principe, mais qu’ils jugent insuffisant. Ils demandent une extension de la loi d’assurances contre les accidens, une augmentation de traitement pour les employés inférieurs. Ils font opposition à la nouvelle loi sur le contrat de louage des ouvriers d’industrie, qui restreint le droit de coalition et, pour prévenir les grèves, punit la rupture du contrat lorsqu’il n’a pas été préalablement dénoncé dans un certain délai. C’est, au contraire, disent-ils, le patron qu’on devrait punir s’il ose restreindre le droit de coalition. Les chefs du parti ont, d’ailleurs, toujours considéré les grèves comme des armes à deux tranchans, et récemment encore, dans une réunion publique, Bebel recommandait sur ce sujet la modération et la prudence. Ils réprouvent la politique coloniale : sous le prétexte de réduire l’esclavage, c’est, disent-ils, une pure affaire de spéculation qui envoie des Allemands périr sous des climats tropicaux. Ils demandent un changement de constitution pour que le parlement puisse, comme en Angleterre, se livrer à des enquêtes. La grande majorité du parti est d’accord sur la nécessité de continuer à prendre une part active à la vie parlementaire : c’est au zèle des députés qu’on est redevable du peu de réforme sociale qu’ont accordée les classes dirigeantes.

Sur ce dernier point, le congrès était appelé à décider entre les anciens et les jeunes : à une écrasante majorité, il a donné raison aux partisans du parlementarisme contre ceux qui prônent le socialisme intransigeant, insurrectionnel. Liebknecht n’a pas eu de peine à faire comprendre que les adversaires de la démocratie sociale ne souhaitent rien tant qu’un conflit qui transforme la question