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ancienne y joue un grand rôle et on y voit apparaître un petit abrégé d’histoire de France. Il semblait que l’introduction de l’esprit moderne et la connaissance des choses actuelles fussent regardées jusqu’alors comme contraires à la dignité de l’enseignement.

Par une conséquence inévitable, la place du latin et du grec dans les études diminue. En lisant les écrits de l’époque, on croirait déjà assister aux discussions de notre temps sur la meilleure répartition des heures de travail, entre des sujets d’étude devenus chaque jour plus nombreux. Le rôle des langues anciennes dans l’éducation allait, d’ailleurs, par la force des choses, en s’amoindrissant. On avait cessé depuis longtemps de parler le latin, dans l’usage courant des classes, et son emploi comme langue universelle des savans, déjà restreint au XVIIe siècle, cesse au XVIIIe. Résultat extrêmement grave, car, en perdant son emploi pratique, l’enseignement du latin perd aussi cette vitalité qui l’avait soutenu si longtemps. C’est à ce moment qu’il passe de l’état de langue vivante, parlée et écrite, à l’état définitif de langue morte. Les méthodes suivies dans son enseignement ont subi le contre-coup de ce changement et se sont trouvées dépouillées du caractère efficace qu’elles avaient autrefois. Il y a plus : par une étrange conséquence, l’enseignement des langues modernes de notre temps, trop fidèlement modelé par la coutume sur l’enseignement traditionnel du latin, en a pris quelque chose de gauche et d’artificiel, qui fait obstacle au progrès et s’oppose à ce que les professeurs apprennent aux enfans les langues modernes d’une façon pratique et fructueuse.

Quoi qu’il en soit, la fin suprême de l’éducation des enfans pour les professeurs dans les collèges du XVIIIe siècle demeure la même qu’au XVIe siècle. Ce sont toujours les humanités, et l’idéal consiste à former des rhétoriciens, rompus à l’art de bien dire.

L’enseignement scientifique se donnait alors tout entier dans les deux années de philosophie, au sein de la faculté des arts, en dehors de l’éducation classique proprement dite. A l’exception des mathématiques, cet enseignement était bien plus restreint qu’aujourd’hui. Il ne comprenait ni la chimie, ni les sciences naturelles, non constituées encore, ni les vastes théories de la physique moderne relatives à la chaleur et à l’électricité. Aussi, se réduisait-il en grande partie à des discussions vaines sur la nature et les propriétés générales de la matière.

C’était, d’ailleurs, au sein des universités que l’éducation s’accomplissait sans distinction nominale entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur; bien que cette distinction existât en fait, quoique avec des limites un peu différentes, dans les matières