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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/361

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telles que les arts et métiers, ou trop spéculatives, telles que la logique et l’analyse des sensations, la méthode des sciences, l’histoire philosophique, etc. Les cours, d’abord au nombre de treize, furent réduits à dix. Au lieu d’être maintenus dans un système parallèle, offert simultanément à tous les élèves sans distinction d’âge ou de capacité, on les répartit en trois groupes; on dirait aujourd’hui trois cycles superposés. Le premier débutait à douze ans et comprenait le dessin, l’histoire naturelle, les langues anciennes et les langues vivantes. Le second, à partir de quatorze ans, était constitué par les élémens des mathématiques, la physique et la chimie expérimentale. Le troisième, qui débutait à seize ans, embrassait la grammaire générale, les belles-lettres, l’histoire et la législation. Au-dessus vient alors le système des écoles spéciales, destinées aux services publics, et définies par la loi du 3 brumaire an IV ; système que je n’ai pas à exposer ici, quoiqu’il ait été l’origine de nos grandes Écoles : polytechnique, Saint-Cyr, navale, des mines, normale, des sciences politiques, des beaux-arts, de santé, etc. L’examen de ces plans et les modifications successives qu’ils ont subies dans leur réalisation nous entraîneraient trop loin du domaine de l’enseignement secondaire. Après diverses péripéties, Napoléon Ier organisa enfin l’Université française, avec les cadres essentiels de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur, tels qu’ils ont subsisté jusqu’à notre temps. Ce sont ces cadres, maintenus dans l’enseignement secondaire, dont nous poursuivons aujourd’hui la réforme.


IV. — LES DEUX FORMULES DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE : ENSEIGNEMENT CLASSIQUE, ENSEIGNEMENT SPÉCIAL.

L’enseignement secondaire a eu pendant longtemps un caractère exclusivement classique et semblable pour tous ses élèves : on s’y proposait avant tout, disait-on, de former des hommes, et de maintenir la haute culture littéraire. Cette culture en effet constitue une partie de la force morale des peuples, et elle concourt par là même à leur puissance et à leur prospérité matérielle ; nul peuple plus que la France peut-être, dans les temps modernes, n’a profité davantage de ce prestige. C’est sur l’étude des chefs-d’œuvre littéraires et artistiques créés par les Grecs et par les Romains que cette culture est principalement fondée ; c’est par là qu’elle se maintient. Telle a été la conception de l’enseignement classique, depuis l’époque de la renaissance : elle y domine encore et elle est fondée sur cette opinion courante, d’après laquelle un jeune homme qui n’a pas fait ses humanités n’appartient pas à l’élite de sa génération. Elle engage ainsi bien des familles à faire donner à leurs