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fut mal accueillie et peu soutenue par les professeurs chargés de l’appliquer. Avant même qu’elle eût pu entrer complètement en vigueur, M. Duruy y substitua une organisation nouvelle. Tandis qu’il rétablissait l’enseignement classique proprement dit, il créait l’enseignement spécial, envisagé comme d’un ordre intérieur et subordonné à la conception professionnelle. Pour éviter toute confusion, il donna au nouvel enseignement des organes propres : programmes, système de classes coordonnées, diplôme, école normale de professeurs (Cluny). Le tout se développa d’abord librement pendant douze à quinze ans.

Mais l’institution nouvelle n’a eu qu’un succès incomplet : d’une part, parce qu’elle ne résolvait qu’une partie du problème, et d’autre part, parce que son organisme ne tarda pas à être dévié de sa destination primitive pour diverses causes, dont les principales sont attribuables à la tendance instinctive des administrations françaises vers l’uniformité. En effet, l’enseignement spécial ne se distinguait, pas suffisamment de l’enseignement primaire supérieur, lequel aboutit aux apprentissages techniques. Il s’en distinguait d’autant moins que le diplôme qui ouvrait l’accès de l’enseignement spécial était directement accessible pour les élèves des écoles normales de l’enseignement primaire. Mais on y entrait en même temps par la voie de l’École normale supérieure de l’enseignement secondaire classique. De là une inégalité frappante entre les professeurs du nouvel enseignement, choisis tantôt parmi les sujets les plus capables de la pédagogie primaire, tantôt parmi les sujets déclassés de la pédagogie classique. Entre ces deux tendances, la seconde finit par l’emporter : l’école de Cluny devint de plus en plus stérile et insuffisante pour le recrutement auquel elle devait fournir; tandis que l’École normale de la rue d’Ulm fournit presque exclusivement, et souvent par ses meilleurs élèves, les professeurs de l’enseignement spécial. Dès lors on tendit à mettre sur le même niveau hiérarchique le nouvel enseignement spécial et le vieil enseignement classique. Les cadres se rapprochèrent ; l’agrégation de l’enseignement spécial réclama et obtint les mêmes avantages comme traitement, classement et prérogatives que l’agrégation classique. On a même créé, il y a peu d’années, un baccalauréat de l’enseignement spécial, parallèle au baccalauréat classique et qui, dès à présent, est regardé comme équivalent pour l’ouverture d’un certain nombre de carrières. L’enseignement spécial ainsi constitué est suivi en ce moment par une multitude de jeunes gens, un tiers environ de la jeunesse des lycées et collèges, d’après les chiffres présentés au début de cette étude.

Aujourd’hui il s’agit d’aller plus loin dans les rapprochemens